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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 00:10


La longue histoire du déni par Chomsky du pouvoir et du rôle joué par le lobby pro-israélien dans la formation décisive de la politique moyen-orientale des Etats-Unis a atteint un point culminant, récemment, lorsqu’il a joint sa voix à la machine à propagande sioniste des Etats-Unis, en attaquant une étude faisant la critique du lobby israélien. 
Je fais ici référence à l’essai publié par la London Review of Books, intitulé "Le Lobby israélien et la politique étrangère des Etats-Unis" co-rédigé par le Professeur John Mearsheimer et le Professeur Stephan Walt. 


“… Des réactions réflexes qui, ordinairement, volent automatiquement au secours d’un débat ouvert et de la liberté d’investiguer sont supprimés – tout du moins dans la majorité de l’élite politique américaine – dès lors qu’il est question d’Israël et, par-dessus tout, du rôle joué par le lobby pro-israélien dans la détermination de la politique étrangère des Etats-Unis… 
Le chantage moral – la peur que toute remise en question de la politique israélienne et du soutien que lui apportent les Etats-Unis n’entraîne des accusations d’antisémitisme – représente une puissante dissuasion de publier des opinions iconoclastes. Cela conduit aussi à la réduction au silence du débat politique sur les campus des universités américaines, en partie en raison de campagnes ciblées contre les rares fortes têtes… 
Rien, de surcroît, ne porte plus atteinte aux intérêts des Etats-Unis que l’incapacité à avoir un débat correct au sujet du conflit israélo-palestinien… 
Contraindre les Américains à un consensus au sujet de la politique israélienne est mauvais pour Israël, et empêche les Américains de formuler leurs propres intérêts nationaux… “ [Editorial du Financial Times, samedi 1er avril 2006]



Introduction 

Noam Chomsky a été qualifié d’intellectuel phare des Etats-Unis par la plupart des mandarins universitaires et même certains secteurs des mass media. 

Il bénéficie d’une large audience dans le monde entier, en particulier dans les milieux universitaires, en grande partie en raison de ses critiques acerbes et fortes contre la politique étrangère américaine et beaucoup des injustices qui en découlent.

Chomsky a néanmoins été traîné dans la boue par toutes les grandes organisations et tous les grands médias juifs et pro-israéliens, en raison de ses critiques de la politique israélienne envers les Palestiniens. 

Et le fait qu’il défende le droit à l’existence de l’Etat sioniste d’Israël ne fait rien à l’affaire. 

En dépit de sa réputation respectable, que lui doivent son instruction, sa dissection par le menu et sa dénonciation de l’hypocrisie des régimes américain et européens, ainsi que la finesse de son analyse des tromperies intellectuelles des apologues de l’impérialisme, ces vertus analytiques disparaissent totalement lorsqu’il s’agit de discuter de la genèse de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, et tout particulièrement du rôle que joue le groupe ethnique auquel il appartient, à savoir le lobby juif pro-israélien et ses soutiens sionistes au sein du gouvernement. 
Cette cécité politique n’est ni sans précédent, ni rare. 

En effet, l’histoire regorge de ces intellectuels extrêmement critiques envers tous les impérialismes – sauf le leur propre – et impitoyables pour tous les abus de pouvoir commis par d’autres – mais pas pour ceux perpétrés par leurs congénères.

La longue histoire du déni par Chomsky du pouvoir et du rôle joué par le lobby pro-israélien dans la formation décisive de la politique moyen-orientale des Etats-Unis a atteint un point culminant, récemment, lorsqu’il a joint sa voix à la machine à propagande sioniste des Etats-Unis, en attaquant une étude faisant la critique du lobby israélien

Je fais ici référence à l’essai publié par la London Review of Books, intitulé "Le Lobby israélien et la politique étrangère des Etats-Unis" [The Israel Lobby and US Foreign Policy], co-rédigé par le Professeur John Mearsheimer, de l’Université de Chicago et le Professeur Stephan Walt, le doyen évincé de la Kennedy School of Government de l’Université d’Harvard [Une version complète de cette étude a été publiée par la Kennedy School of Government en mars 2006].



Les discours et les écrits de Chomsky consacrés au Lobby affirment plusieurs propositions éminemment douteuses :

1) Le lobby pro-israélien ne se différencierait en rien des autres lobbies ; il n’aurait ni influence particulière, ni place indue dans la politique des Etats-Unis ;


2) Le pouvoir des groupes qui soutiennent le lobby israélien ne serait pas plus important que celui d’autres groupes de pression influents ;


3) Si le programme du Lobby connaît le succès, c’est parce qu’il coïnciderait avec les intérêts des puissants du moment et avec ceux de l’Etat américain ;


4) La faiblesse du Lobby serait démontrée par le fait qu’Israël ne serait qu’un "simple outil" pour la construction de l’empire américain, utilisé quand on en a besoin, et marginalisé quand ce n’est pas le cas ;


5) Les principales forces qui modèleraient la politique moyen-orientale des Etats-Unis seraient les "gros intérêts pétroliers" [‘Big Oil’] et le "complexe militaro-industriel", ni l’un ni l’autre n’étant connecté au Lobby pro-israélien ;


6) Les intérêts des Etats-Unis coïncideraient, pour l’essentiel, avec ceux d’Israël ;


7) La guerre contre l’Irak, les menaces contre la Syrie et l’Iran… seraient essentiellement des produits des "intérêts pétroliers" et du "complexe militaro-industriel", et absolument pas le résultat du rôle joué par le lobby pro-israélien ou ses collaborateurs au sein du Pentagone et dans d’autres instances gouvernementales…


Bien qu’en général Chomsky s’abstienne délibérément de dénoncer spécifiquement le lobby pro-israélien dans ses discours, dans ses interviews et dans ses publications où il analyse la politique américaine vis-à-vis du Moyen-Orient, les très rares fois où il le fait, c’est en recourant au répertoire décliné ci-dessus.

Le problème de la guerre et de la paix au Moyen-Orient et le rôle du lobby israélien sont choses bien trop sérieuses pour être marginalisées comme s’il s’agissait d’arrière-pensées. M

ais il y a plus grave : la censure qui s’exerce de plus en plus à l’encontre de notre liberté d’expression et l’érosion de nos libertés civiques et de notre liberté académique par un lobby agressif bénéficiant de soutiens puissants tant dans le pouvoir législatif qu’à la Maison Blanche menacent notre démocratie, déjà sérieusement écornée.

Il nous incombe, par conséquent, d’examiner les quatorze thèses erronée de l’éminemment respecté Professeur Chomsky, afin d’aller de l’avant et d’affronter les menaces que représente le Lobby pour la paix, à l’extérieur, et nos libertés civiques, à l’intérieur des Etats-Unis.



Quatorze thèses à dormir debout

1) Chomsky affirme que le Lobby ne serait qu’un lobby parmi d’autres, comme il en existe beaucoup, à Washington. 

Ce faisant, il ignore que le lobby s’est assuré des plus confortables majorités au Congrès en faveur de l’allocation à Israël du triple des aides internationales annuelles destinées à l’ensemble de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine (pour un montant de plus de 100 milliards de dollars sur les quarante années écoulées).

Le Lobby dispose de cent cinquante fonctionnaires à plein-temps qui travaillent à l’AIPAC (American-Israel Public Affairs Committee), secondés par une armée de lobbyistes de toutes les grandes organisations juives (Anti-Defamation League, American Jewish Committee, American Jewish Congress, etc.) et par les fédérations juives nationales, régionales et locales, qui suivent fidèlement la ligne des "grandes" et sont actives dans le monde politique et dans l’opinion locale au sujet d’Israël, assurant la promotion et le financement de candidats législateurs sur la base de leur adhésion à la ligne du parti définie par le Lobby.

Aucun autre lobby n’associe de cette manière la richesse, les réseaux d’influence jusqu’aux fondements de la société, l’accès aux médias, le levier législatif et l’objectif obsessionnel propre au lobby pro-israélien.



2) Chomsky n’analyse pas les majorités quasi unanimes au Congrès, qui soutiennent année après année tous les privilèges et les aides promus par le Lobby en faveur d’Israël, en matière militaire, économique et migratoire. 

Il se garde bien d’étudier la liste des cent initiatives parlementaires couronnées de succès que publie pourtant chaque année l’Aipac, même durant les années marquées par la crise budgétaire, la désintégration des budgets intérieurs destinés à la santé et les pertes en hommes générées par la guerre.



3) L’attribution, relevant du cliché, des objectifs de la guerre aux "grossiums du pétrole", à laquelle procède Chomsky, est totalement infondée. En réalité, les guerres moyen-orientales des Etats-Unis obèrent leurs intérêts pétroliers à plusieurs titres, notamment stratégiques. 

Les guerres génèrent une hostilité généralisée envers les compagnies pétrolières entretenant des relations sur le long terme avec des pays arabes. Les guerres (dites "américaines") ont pour résultat de saper la conclusion de nouveaux contrats dans des pays arabes, pour des investissements pétroliers américains. 

Les compagnies pétrolières américaines sont bien plus favorables à une résolution pacifique des conflits que ne l’est Israël, et tout particulièrement ses Lobbyistes : toutes les revues spécialisées et tous les porte-parole de l’industrie pétrolière y insistent. Chomsky choisit d’ignorer totalement les activités et la propagande pro-guerre des organisations juives pro-israéliennes et l’absence de propos favorables à la guerre, en revanche, dans les médias de "Big Oil" [les magnats du pétrole, ndt]. 

Il ignore, de la même manière, la tentative déployée par ces médias de "Big Oil" afin de préserver des liens avec des régimes arabes opposés aux ambitions hégémoniques belliqueuses d’Israël. 

Contrairement à ce qu’affirme Chomsky, en allant faire la guerre au Moyen-Orient, les Etats-Unis sacrifient les intérêts vitaux des compagnies pétrolières au profit de la quête israélienne d’hégémonie au Moyen-Orient, sur l’injonction et au profit du Lobby pro-israélien. 

Dans la compétition des lobbies, il n’y a absolument pas photo entre le bloc de pouvoir pro-israélien et les compagnies pétrolières, quand il s’agit de favoriser les intérêts israéliens au détriment des intérêts pétroliers, qu’il s’agisse de guerre, ou de contrats pétroliers. 

Chomsky n’examine jamais la force relative des deux lobbies en ce qui concerne la détermination de la politique moyen-orientale des Etats-Unis. 

En général, ce chercheur habituellement actif à exhumer une documentation quasi introuvable, est particulièrement relax dès lors qu’il s’agirait de dévoiler des documents pourtant d’ores et déjà disponibles, qui anéantissent ses assertions au sujet de Big Oil et du Lobby israélien.



4) Chomsky refuse d’analyser les désavantages diplomatiques qu’encourent les Etats-Unis en opposant leur veto automatique aux résolutions du Conseil de sécurité qui condamnent les violations systématiques des droits de l’homme perpétrées par Israël. Ni le complexe militaro-industriel, ni Big Oil n’ont la moindre prise sur le comportement des Etats-Unis en matière de votes à l’ONU. 

Les lobbies pro-israéliens sont les seuls lobbies à exercer des pressions en faveur de tels veto allant à l’encontre des alliés les plus proches des Etats-Unis, de l’opinion publique mondiale et, cela, au prix d’un rôle, quel que soit ce rôle, que les Etats-Unis seraient susceptibles de jouer, en tant que "médiateurs" entre le monde arabo-musulman et Israël. 



5) Chomsky refuse d’analyser le rôle du Lobby dans l’élection des membres du Congrès, son financement de candidats pro-israéliens et les plus de cinquante millions de dollars qu’il dépense en dons aux partis, aux candidats et au financement des diverses campagnes électorales. 

Avec, pour résultat, un vote à 90 % du Congrès sur les thèmes prioritaires mis en avant par le Lobby, avec le soutien des associations pro-israéliennes locales et régionales qui y sont affiliées.



6) Il n’entreprend pas plus d’analyser le cas de ces candidats battus électoralement par le Lobby, les excuses abjectes extorquées à des membres du Congrès qui ont osé remettre en question les politiques et les tactiques du Lobby, ni l’effet d’intimidation que ces "châtiments pour l’exemple" ont sur tous les autres membres du Congrès. 

L’effet "boule de neige" des sanctions électorales et des pots de vin est une des explications de ces majorités sans précédent en faveur de toutes les initiatives de l’Aipac. 

Les pitoyables tentatives déployées par Chomsky afin de mettre un signe d’égalité entre les initiatives pro-israéliennes de l’Aipac et des intérêts politiques américains plus larges est manifestement absurde, pour quiconque a étudié l’alignement des groupes politiques associés à l’élaboration, au soutien, aux pressions et au co-parrainage des mesures de l’Aipac : la puissance du lobby juif excède de très loin son électorat, comme le démontre le déversement de fric (un million de dollars) consacré à la défaite de Cynthia McKinney, une femme représentant la Géorgie au Congrès. 

Le fait qu’elle ait été réélue, par la suite, essentiellement parce qu’elle a mis la sourdine à ses critiques envers Israël, montre l’ampleur de l’impact du Lobby, y compris sur des Démocrates dignes de ce nom.



7) Chomsky ignore le pouvoir sans égal qu’a le Lobby de rameuter l’élite. Son congrès annuel attire tous les principaux leaders du Congrès, les membres clés du Gouvernement, plus de la moitié des membres du Congrès, qui jurent soutien inconditionnel à Israël et vont jusqu’à identifier les intérêts d’Israël à ceux des Etats-Unis. 

Aucun autre lobby n’est en mesure d’assurer une telle participation de l’élite politique, ni ce degré de servilité abjecte, depuis tant de temps, au sein des principaux partis politiques. 

Particulièrement important est le fait que l’"électorat juif" représente moins de 5 % de l’électorat américain total, les juifs pratiquants ne représentant que moins de 2 % de la population, et encore, tous ne sont pas des partisans "d’Israël, avant tout", loin de là ! 

Aucun des principaux lobbies des Etats-Unis, ni la NRA, ni l’AARP, ni l’Association nationale des Industriels, ni la Chambre Nationale de Commerce ne peuvent convoquer une telle brochette de dirigeants politiques, ni encore moins s’assurer de leur soutien inconditionnel à des lois et des décrets exécutifs favorables à Israël. 

C’est rien moins qu’une autorité en la matière, tel que le Premier ministre d’Israël, Ariel Sharon, qui a vanté la puissance du lobby pro-israélien en matière de politique moyen-orientale des Etats-Unis. 

Néanmoins, impavide, Chomsky se contente d’affirmer que le lobby pro-israélien ne diffère en rien des autres lobbies, sans faire le moindre effort pour comparer leurs influences relatives, ni leur capacité de mobilisation et le caractère bi-partisan des soutiens dont ils bénéficient, ni leur efficacité en matière d’obtention de l’adoption en urgence de textes législatifs à leur convenance.



8) Dans son analyse de la montée en puissance de la guerre américaine contre l’Irak, le passage en revue par ailleurs méticuleux auquel procède Chomsky de documents relatifs à la politique étrangère, des analyses des liens politiques entre décideurs politiques et centres de pouvoir, est totalement abandonné, en faveur de commentaires impressionnistes totalement vides du moindre fondement empirique. 

Les principaux architectes gouvernementaux de la guerre, ses promoteurs intellectuels, leur stratégie publiquement énoncée et publiée pour cette guerre, ont été, dans leur totalité, profondément liés au lobby israélien, et ont apporté de l’eau au moulin de l’Etat d’Israël. 

Wolfowitz, le numéro 2 du Pentagone, Douglas Feith, le numéro 3, du Conseil National de Sécurité, et des dizaines d’autres décideurs clés au sein du gouvernement et d’idéologues dans les mass médias étaient des activistes en faveur d’Israël depuis toujours, certains d’entre eux ayant même perdu leur accréditation auprès d’Administrations américaines précédentes, au motif d’avoir communiqué des documents au gouvernement israélien.

Chomsky ignore les documents stratégiques fondamentaux rédigés par Perle, Feith et d’autres Sionocons, dès 1996, afin de réclamer une action belliqueuse contre l’Irak, l’Iran et la Syrie, qu’ils ont mise en application plus tard, après avoir pris le pouvoir grâce à l’élection de Bush.

Chomsky ignore totalement le bureau de désinformation créé au sein du Pentagone par l’ultrasioniste Douglas Feith – l’ainsi dit "Bureau des Plans Spéciaux" - géré par son collègue sionocon Abram Shumsky, afin d’aiguiller des « données » bidonnées vers la Maison Blanche, en court-circuitant et en discréditant la CIA et les services du renseignement militaire qui contredisaient cette désinformation. 

Un spécialiste non-sioniste du bureau "Moyen-Orient" du Pentagone, la colonelle Karen Kwiatkowski, a décrit avec force détails le flot constant et très à l’aise d’officiers du Mossad et de l’armée israélienne, entrant dans le bureau de Feith et en sortant, alors qu’au même moment des experts américains de très haut niveau s’en voyaient interdire l’accès. 

Aucun de ces décideurs politiques clés, qui ont prôné et obtenu la guerre, n’ont eu le moindre contact direct, ni avec le complexe militaro-industriel, ni avec Big Oil, mais tous étaient profondément et activement liés à l’Etat d’Israël et soutenus par le Lobby. 

Etonnamment, Chomsky, qui est connu pour sa critique des intellectuels entichés de pouvoir impérial et des universitaires obéissants, suit une voie similaire dès lors qu’il s’agit d’intellectuels pro-israéliens au pouvoir et de leurs collègues universitaires sionistes. 

Le problème, ce n’est pas seulement le «lobby» exerçant des pressions depuis l’extérieur, mais bien, en revanche, les comparses dudit lobby à l’intérieur de l’Etat.



9) Fréquemment, Chomsky se moque des critiques formulées du bout des lèvres par les libéraux au sujet de la politique étrangère des Etats-Unis. Néanmoins, il ne soulève pas la moindre objection au sujet du silence absolu des progressistes juifs en ce qui concerne le rôle majeur joué par le Lobby dans la promotion de l’invasion de l’Irak. 

A aucun moment il n’engage le débat, ni ne formule de critiques, sur les dizaines de partisans universitaires israéliens de premier plan soutenant la guerre contre l’Irak, l’Iran ou la Syrie. 

En lieu et place, sa critique de la guerre se contente de tourner autour des leaders de partis, de l’administration Bush, etc… sans jamais tenter de comprendre quelle était la base organisée et les mentors idéologiques des militaristes va-t-en-guerre.



10) Chomsky n’analyse pas l’impact de la campagne concertée et ininterrompue de tous les principaux lobbies et personnalités pro-israéliens américains afin de réduire au silence les critiques d’Israël et le soutien apporté à la guerre par le Lobby. 

Le refus de Chomsky de critiquer l’abus fait par le Lobby de l’accusation d’antisémitisme (allégué) afin de détruire nos libertés civiles, de chasser des universitaires de leurs universités et d’autres positions sociales au motif qu’ils ont osé critiqué Israël et le Lobby est particulièrement évident dans le cas de la récente campagne de diffamation à l’encontre des Professeurs Walt et Mearsheimer. 

Alors que le Lobby a exercé – on sait avec quel succès – des pressions énormes sur l’Université Harvard, afin qu’elle révoque le Professeur Walt et que, finalement, elle le contraigne à démissionner de son poste de Doyen de la Kennedy School d’Harvard, Chomsky, se joignant à la meute du Lobby, a condamné leur étude critique exhaustive et leur analyse méticuleuse. 

A aucun moment Chomsky ne traite des faits centraux de leur analyse consacrée au pouvoir actuel du Lobby sur la politique moyen-orientale des Etats-Unis. L’ironie veut que Chomsky soit pourtant lui-même une victime occasionnelle des épurations académiques sionistes. Mais, cette fois-ci, il est du côté du manche.



11) Chomsky se refuse à évaluer la puissance du Lobby, par comparaison avec d’autres forces instituées. Ainsi, des hauts gradés de l’armée américaine se sont fréquemment plaints du fait que l’armée israélienne reçoive des équipements sophistiqués de dernière génération avant même qu’ils ne soient devenus opérationnels aux Etats-Unis. 
Grâce au Lobby, leurs plaintes sont rarement examinées. 

Les industries américaines de la défense (dont certaines ont conclu des contrats de coopération avec des entreprises israéliennes de la défense) se sont plaintes amèrement de la concurrence déloyale d’Israël, ainsi que de la violation par ce pays des accords commerciaux et de la vente illégale par Israël de haute technologie militaire à la Chine. 

Or, menacé de perdre toutes ses relations lucratives avec le Pentagone, Israël a bel et bien été contraint d’annuler ces ventes à la Chine, au grand dam du Lobby… 

Durant la préparation de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, beaucoup de responsables militaires, d’active et en retraite, ainsi que beaucoup d’analystes de la CIA se sont opposés à cette guerre, remettant en question les présupposés et les projections des idéologues pro-israéliens du Pentagone, comme Wolfowitz, Perle, et du Conseil de Sécurité Nationale, du Département d’Etat et du cabinet du Vice-président (comme le sionocon Libby). 
Ils ont été mis en minorité, leur avis a été mis à la poubelle par les sionocons et ils ont été sous-estimés par leurs soutiens idéologiques, qui écrivent dans les principaux médias imprimés. 

La position des sionocons dans le gouvernement leur permit de dépasser leurs critiques institutionnelles, dans une large mesure du fait que leur opinion et leurs politiques relatives à la guerre étaient acceptées sans aucune critique par les mass médias, en particulier le New York Times, dont la propagandiste de guerre Judith Miller entretient des relations serrées avec le Lobby. 

Ce sont là des liens et des débats historiques bien connus, dont un lecteur attentif des mass médias comme l’est Chomsky, avait nécessairement conscience, mais qu’il a néanmoins choisi délibérément d’omettre et de dénier, en substituant une critique plus "sélective" de la guerre en Irak, basée sur l’omission de faits pourtant absolument essentiels.



12) Dans ce qui passe pour la « réfutation » chomskienne de la puissance du Lobby, mentionnons son passage en revue historique superficiel des relations américano-israéliennes, dans lequel il cite ces conflits d’intérêts occasionnels à propos desquels, encore plus rarement, le lobby pro-israélien n’a parfois pas eu gain de cause. 

Les arguments historiques invoqués par Chomsky ressemblent à un rapport d’avocat beaucoup plus qu’à un inventaire exhaustif du pouvoir du Lobby. 

Par exemple, alors qu’en 1956 les Etats-Unis refusèrent de se joindre à l’attaque tripartite franco-britannico-israélienne contre l’Egypte, tout au long des cinquante années suivantes, les Etats-Unis ont financé et livré à Israël une machine de guerre d’un ordre de 70 milliards de dollars, grâce, dans une très large mesure, aux pressions exercées par le Lobby. 

En 1967, l’aviation israélienne a bombardé un navire espion recueillant du renseignement pour les Etats-Unis, l’USS Liberty, dans les eaux internationales, tuant ou blessant plus de deux cents marins et officiers américains.

L’administration Johnson – geste sans aucun précédent historique – refusa de sévir, et elle fit taire les survivants de cette agression non-provoquée en les menaçant de la "cour martiale". 

Aucune des administrations suivantes n’a jamais soulevé cette question, quant à diligenter une investigation officielle du Congrès, n’en parlons même pas. 

Tout au contraire, l’administration Johnson a considérablement augmenté l’aide américaine à Israël et s’est tenue prête à recourir à l’arme atomique pour défendre Israël en un moment critique où ce pays fut sur le point de perdre la guerre d’Octobre 1973. 

Cette défense américaine d’Israël aboutit à un très coûteux boycott pétrolier arabe, qui entraîna une hausse massive du prix du pétrole et l’animosité d’anciens alliés arabes, qui menaça la stabilité monétaire mondiale. 

Autrement dit, dans ce cas comme dans bien d’autres, le lobby pro-israélien fut plus influent que l’armée américaine dans la prise de décision d’une réplique à un acte d’agression délibérée d’Israël contre des hommes servant le drapeau américain dans des eaux internationales. 

Au cours des dernières années, la puissance du Lobby a sérieusement inhibé la poursuite, par le FBI, de dizaines d’espions israéliens entrés aux Etats-Unis en 2001. Le plus qui ait été fait, à ce sujet, ce fut de les muter à un poste pépère.

L’arrestation récente de deux responsables de l’Aipac accusés d’avoir remis des documents gouvernementaux ultra secrets à des responsables de l’ambassade d’Israël à Washington a amené le lobby pro-israélien a mobiliser une campagne médiatique massive afin de tenter de se défendre, en faisant passer un acte d’espionnage à l’encontre des Etats-Unis pour l’exercice de sa liberté d’expression. 

Les éditoriaux et tribunes favorables à l’abandon des poursuites ont fait leur apparition dans la plupart des grands journaux, au cours de ce qui fut sans doute une campagne sans précédent en faveur d’agents d’un gouvernement étranger, de toute l’histoire des Etats-Unis. 

La puissance et la portée de la propagande du Lobby excèdent de très loin tout pouvoir susceptible de s’y opposer, même si les preuves qui accablent les responsables de l’Aipac sont très étayées, y compris le témoignage d’un responsable clé du Pentagone, dont il a été prouvé qu’il a remis les documents en question aux espions israéliens.



13) Chomsky, pourtant un critique hautement fiable en matière des partis pris des médias, attribue leurs informations anti-ouvrières à leurs liens avec le grand patronat. 

Toutefois, dès qu’il s’agit du parti pris massif en faveur d’Israël, il n’analyse jamais l’influence du Lobby israélien, ni le lien entre l’élite médiatique pro-israélienne et le parti pris pro-israélien des médias. 

S’agit-il d’un simple problème de point aveugle, ou bien d’une amnésie intellectuelle d’origine idéologique ? Nul ne le sait…



14) Chomsky invoque l’importance d’Israël, pour la stratégie impérialiste des Etats-Unis en matière d’affaiblissement du nationalisme arabe, ainsi que son rôle dans la fourniture d’aide et de conseillers militaires à des régimes totalitaires terroristes (Guatemala, Argentine, Colombie, Chili, Salvador, etc.), dans les cas où le Congrès impose des restrictions à un engagement militaire direct des Etats-Unis dans ces pays. 

Nul doute qu’Israël soit au service des objectifs impériaux des Etats-Unis, en particulier dans des situations où des politiques sanglantes sont impliquées. 

Mais Israël l’a fait parce qu’il en tirait bénéfice – ses revenus militaires accrus, la conquête de nombreux partisans de la politique coloniale d’Israël, des marchés assurés pour les marchands d’armes israéliennes, etc. T

outefois, une analyse plus complète des intérêts américains démontre que les coûts générés par le soutien à Israël excède de très loin les bénéfices occasionnels, que l’on prenne en considération les avantages pour les objectifs impériaux des Etats-Unis, ou – a fortiori – l’avantage notable que constituerait une politique étrangère américaine qui soit démocratique. 

En prenant en considération les guerres coûteuses et destructrices faites à l’Irak sous la houlette d’Israël et de ses lobbies, la politique pro-israélienne des Etats-Unis a gravement sapé leur capacité militaire de défendre l’empire. 
Elle a entraîné une perte de prestige et elle a discrédité les prétentions des Etats-Unis à être les champions de la liberté et de la démocratie. 

Du point de vue d’une politique extérieure démocratique, cette politique a renforcé l’aile militariste du gouvernement, elle a sapé les libertés démocratiques aux Etats-Unis mêmes. C’est Israël qui, seul, en bénéficie, bien entendu, parce que la guerre a détruit un de ses principaux ennemis laïcs, tout en permettant à Israël de resserrer son emprise sur les Territoires palestiniens occupés. 

L’alignement inconditionnel sur l’Etat colonial israélien a érodé les relations des Etats-Unis avec les pays les plus riches et les plus peuplés du monde arabo-musulman. 

En termes de marché, la différence se situe entre des centaines de milliards de dollars d’exportations américaines et la défense inconditionnelle et particulièrement mal avisée d’un récipiendaire d’aides financières massives des Etats-Unis. Les pays arabes sont des acheteurs nets de matériel militaire américain. Au contraire, l’industrie israélienne de l’armement représente, pour les Etats-Unis, un impitoyable concurrent.

Les compagnies américaines du pétrole et du gaz sont des perdants nets en matière d’investissements, de profits et de marchés, à cause des liens entre les Etats-Unis et Israël qui, en raison du marché très limité de ce pays, a très peu à offrir dans chacune des catégories mentionnées ici.


Enfin, le nettoyage ethnique des Palestiniens par Israël et la campagne efficace du Lobby visant à assurer le veto des Etats-Unis à l’encontre de toute résolution internationale placent les Etats-Unis dans le camp d’une torture à grande échelle et légalisée, d’exécutions extrajudiciaires légalisées et de déplacements massifs de populations, totalement illégaux. 

Le résultat final, c’est l’affaiblissement du droit international, et une volatilité accrue dans une région de grande importance stratégique. Chomsky ne tient aucun compte des coûts géostratégique et énergétiques, ni des pertes de nos propres libertés, qui résultent directement des guerres au Moyen-Orient au nom et pour Israël, et encore moins de l’ascension d’une forme virulente de néo-maccarthysme sioniste, qui se répand dans l’ensemble de nos institutions universitaires, artistiques et autres, aussi bien publiques que privées. 

S’il y a une chose qui démontre éloquemment la croissance du pouvoir des sionistes et l’étendue de leur autoritarisme, c’est bien la campagne brutale et particulièrement efficace contre les Professeurs Mearsheimer et Walt, qui les confirme de manière éclatante.



Conclusion

Dans des circonstances normales, on n’apporterait à juste titre qu’une attention limitée à des polémiques académiques, à moins qu’elles n’aient d’importantes conséquences politiques. Dans le cas qui nous occupe, toutefois, Noam Chomsky est une icône des mouvements anti-guerre américains, et pour tout ce qui passe pour de la dissidence intellectuelle. 

Le fait qu’il ait choisi d’absoudre le lobby pro-israélien et les groupes qui lui sont liges, ainsi que leurs supplétifs médiatiques, est un événement politique considérable, en particulier quand les questions de la guerre ou de la paix sont sur la balance, et quand la majorité des Américains est opposée à la guerre. 

Laisser "la bride sur le cou" aux principaux auteurs, architectes et lobbyistes favorables à la guerre, voilà qui représente un obstacle indéniable devant la volonté de faire la lumière sur ceux contre qui nous nous battons, et pour quelles raisons. Ignorer le lobby pro-israélien, cela revient à lui laisser les mains libres pour pousser à l’intervention contre l’Iran et la Syrie. 

Pire, détourner l’opinion des responsabilités de ce lobby, en pointant du doigt des ennemis imaginaires, cela revient à affaiblir notre compréhension, non seulement de la guerre, mais aussi de qui sont les ennemis de la liberté dans notre pays. 

Par-dessus tout, cela permet à un gouvernement étranger de jouir d’une position privilégiée, d’où il nous dicte notre politique au Moyen-Orient, tout en proposant des méthodes de police d’Etat et des législations afin de prohiber le débat et d’inhiber le désaccord chez nous, aux Etats-Unis. 

Permettez-moi de conclure en disant que les mouvements pour la paix et la justice, tant aux Etats-Unis qu’à l’étranger, sont plus puissants que n’importe quel individu ou que n’importe quel intellectuel – quels que soient leurs états de service passés.


Hier, les principales organisations sionistes nous ont dicté qui nous pouvions ou ne pouvions pas critiquer, au Moyen-Orient. Aujourd’hui, elles nous disent qui nous pouvons critiquer, aux Etats-Unis. Demain, elles nous intimeront l’ordre de baisser la tête et de nous soumettre à leurs mensonges et à leurs tromperies, afin de nous engager dans de nouvelles guerres de conquête, au service d’un régime colonial moralement répugnant.


  Traduction : Marcel Charbonnier  
   

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Published by aminajournal.over-blog.com
10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 23:47

Je n’ai pas besoin de dire combien je suis ravi et reconnaissant pour cet honneur, qui offre également l’occasion de jeter un regard sur les années passées. Ce qui me vient à l’esprit le plus nettement ce sont les dernières années, peut-être parce-que j’y ai beaucoup pensé ces derniers temps, pour d’autres raisons. Elles ont été, bien-sûr, des années très formatrices pour moi personnellement, mais je crois que leur importance va malheureusement bien au-delà.

Je suis juste assez vieux pour avoir des souvenirs des discours d’Hitler à la radio il y a 75 ans. Je ne comprenais pas les mots, mais je pouvais facilement saisir la menace du ton et les acclamations de la foule. J’ai écrit mon premier article politique en février 1939, juste après la chute de Barcelone. Je suis sûr qu’il n’avait rien de mémorable. Je m’en souviens beaucoup moins que de l’ambiance de peur et d’appréhension qui régnait. L’article commençait avec ces mots : “L’Autriche tombe, la Tchécoslovaquie tombe, et maintenant Barcelone tombe” – et l’Espagne avec, quelques mois après. Les mots me sont toujours restés à l’esprit, tout comme l’angoisse, la perception des nuages sombres du fascisme se rassemblant sur l’Allemagne, puis l’Europe et peut-être au-delà, une force grandissante d’une inimaginable horreur. Bien que personne ne pouvait prévoir la Shoah ("Holocaust"), la Nuit de Cristal (“Kristallnacht”) avait eu lieu juste quelques semaines auparavant et la fuite désespérée des réfugiés s’était accentuée au fil des ans, beaucoup d’entre eux incapables de croire ce qui était en train de se passer.

Au cours de ces années j’avais également eu ma première expérience avec des intellectuels radicaux – bien qu’ils ne seraient pas appelés “intellectuels” selon la définition standard, qui s’applique à des gens avec statut et privilège qui bénéficient d’une position leur permettant d’atteindre le public avec leurs réflexions sur les affaires humaines et leurs préoccupations. Et puisque le privilège confère une responsabilité, la question qui se pose toujours est de savoir comment utilisent-ils cette responsabilité sujets très vivants durant ces années à travers les travaux d’Erich Fromm, Russell et Dewey, Orwell, Dwight MacDonald, et d’autres que j’allais connaître bientôt. Mais les intellectuels radicaux de mon enfance étaient différents. C’étaient des personnes de ma famille, des travailleurs, à New York, pour la plupart au chômage pendant la dépression, bien qu’un oncle, qui était handicapé, avait un kiosque à journaux grâce aux mesures du New Deal et pouvait ainsi soutenir une grosse partie de la famille. Mes parents pouvaient aussi aider, à plus petite échelle. En tant que professeurs d’hébreu à Philadelphie, ils avaient cette chance rare de travailler, donc nous avions un flot constant de tantes et de cousins qui vivaient avec nous périodiquement.

Les membres de ma famille de New York avaient une éducation scolaire limitée. Mon oncle, qui s’occupait du kiosque à journaux et qui a eu une énorme influence sur ma jeunesse, n’était pas allé au delà du CM1 (“fourth grade”). Mais ce fut l’un des cercles intellectuels les plus vivants dont j’ai pu faire partie, au moins en périphérie en tant qu’enfant. Il y avait des discussions sans fin à propos de la dernière représentation du Quatuor à Cordes de Budapest, les polémiques entre Stekel et Freud, les politiques radicales et l’activisme, qui atteignait alors des sommets impressionnants. Les sit-in étaient particulièrement importants, juste une étape avant la reprise des usines par les travailleurs et le changement radical de la société – des idées qui devraient être très vivantes aujourd’hui.

Tout en étant un facteur majeur des mesures du New Deal, l’activisme grandissant des travailleurs a fait naître une forte inquiétude dans le monde des affaires. Ses personnalités éminentes mettaient en garde contre “le risque auquel font face les industriels avec le soulèvement politique des masses,” et insistaient sur le besoin d’intensifier “l’éternelle bataille pour gagner l’esprit des hommes,” et d’instituer des programmes afin de venir à bout de cette menace à l’ordre et à la discipline, mis de côté pendant la guerre, mais repris ensuite avec un dévouement et une ampleur extrêmes. Les États-Unis se démarquent particulièrement des autres sociétés industrielles par l’existence d’une communauté d’affaires hautement consciente des différences de classes, combattant sans relâche dans une cruelle guerre de classes, avec des niveaux extraordinaires de violence durant dans les années précédentes, et plus récemment au travers d’offensives de propagande de masse.

Certains de mes parents étaient proches du Parti Communiste, d’autres étaient profondément anti-communiste et de gauche ; et certains, comme mon oncle, étaient anti-Bolchevique et bien plus à gauche. Parmi ceux proches du parti, alors qu’il y avait une obéissance rituelle à la Russie, j’avais le sentiment que l’essentiel du débat c’étaient les droits civiques et le mouvement de travailleurs, la réforme du système de protection sociale et un vrai désir de changement social. Le parti était une force qui n’anticipait pas de victoires rapides, mais qui était toujours présent, prêt, persévérant, dévoué à initier une nouvelle lutte après une défaite provisoire, quelque chose qu’il nous manque vraiment de nos jours. Le parti était aussi lié à un mouvement plus large d’éducation des travailleurs et d’associations et, de façon non négligeable, c’était une opportunité pour mes tantes couturières au chômage de passer une semaine à la campagne dans un camps de l’ILGWU (International Ladies’ Garment Workers’ Union) ou faire d’autres sorties pour échapper à ce qui aurait dû être une sinistre réalité, bien que je m’en souvienne depuis ma propre expérience personnelle – qui a bien-sûr ses limites – comme une époque qui était pleine d’espoir, bien au contraire d’aujourd’hui où les conditions sont de fait bien moins terribles.

En 1941, je passais autant de temps que je pouvais dans le centre de Manhattan, gravitant autour d’un autre groupe d’intellectuels radicaux dans les petites librairies sur la 4ème Avenue tenues par des réfugiés anarchistes de la révolution espagnole de 1936, ou au bureau du journal anarchiste Freie Arbeiter Stimme (“La Voix du travailleur libre”) près d’Union Square. Eux aussi ne correspondaient pas à la formule standard définissant les intellectuels. Mais si par ce terme on veut décrire des gens qui réfléchissent sérieusement à la vie et à la société, à leurs problèmes et les solutions possibles, sur un arrière plan de savoir et de compréhension, alors c’étaient en effet des intellectuels, et plutôt impressionnants. Ils étaient assez contents de passer du temps avec un gamin qui était fasciné par la révolution anarchiste de 1936, que je pensais alors, et que je pense toujours, avoir été l’un des sommets de la civilisation occidentale et quelque part un repère pour un avenir meilleur. J’ai recueilli beaucoup de documents que j’ai utilisés 30 ans plus tard quand j’écrivais sur le sujet, pour la plupart non publiés à l’époque.

Parmi ces archives remarquables, il y avait un recueil de documents traitant de la collectivisation, publié en 1937 par la CNT (“Confederación nacional del trabajo”) le syndicat anarchosyndicaliste qui célèbre son centenaire cette année (1910-2010). Il est une contribution qui me reste à l’esprit depuis, faite par des paysans du village de Membrilla. Je voudrais la citer en partie :

Dans les misérables huttes de Membrilla vivent les pauvres habitants d’une pauvre province ; huit mille personnes, mais les rues ne sont pas pavées, la ville n’a pas de journaux, pas de cinéma, ni même un café ou une librairie… La nourriture, les habits et les outils étaient distribués équitablement à la population entière. L’argent était aboli, le travail collectivisé, tous les biens passaient par la communauté, la consommation était socialisée. Ce n’était néanmoins pas la richesse qui était socialisée mais la pauvreté… La population entière vivait intégrée dans de grandes familles ; les fonctionnaires, les délégués, les secrétaires des syndicats, les membres du conseil municipal, tous élus, agissaient comme des chefs de famille. Mais ils étaient contrôlés, parce-que les privilèges ou la corruption n’étaient pas tolérés. Membrilla est peut-être le village le plus pauvre d’Espagne mais c’est le plus juste.

Ces mots, pronconcés par un des plus pauvres paysans du pays, capte avec une rare éloquence les réalisations et les promesses de la révolution anarchiste. Les réalisations ne sont pas sorties de nulle part bien-sûr. C’était le résultat de plusieurs décennies de lutte, d’expérience, de répression brutale – et d’apprentissage. Le concept de savoir comment une société juste devrait être organisée était dans l’esprit de la population quand l’opportunité est arrivée. L’expérience de la création d’un monde de liberté et de justice a été écrasée bien trop tôt par les forces combinées du fascisme, du Stalinisme et de la démocratie libérale. Les centres majeurs de pouvoir avaient très bien compris qu’ils devaient s’unir afin de détruire cette menace dangereuse à la subordination et à la discipline avant de se tourner vers la tâche secondaire de démembrer les restes.

Des années plus tard, j’ai pu parfois assister en première ligne à la vie de gens pauvres endurant une répression brutale et de la violence – dans les bidonvilles misérables de Haïti au sommet de la terreur dans le milieu des années 90, soutenue par Washington, bien que les faits soient toujours étouffés et hautement pertinents au regard des tragédies actuelles. Ou dans les camps de réfugiés au Laos, où des dizaines de milliers de gens étaient regroupés, jetés de leurs maisons par une armée de mercenaires de la CIA après des années à essayer de survivre dans des grottes sous un bombardement acharné qui n’avait rien à voir avec la guerre au Viêt Nam, une des plus graves atrocités de l’histoire moderne, encore largement inconnue et tuant toujours beaucoup de gens à cause d’un territoire saturé de munitions non-explosées. Ou en Palestine et en Turquie du sud-est et beaucoup d’autres endroits. Parmi ceux-là, la Colombie du sud est particulièrement importante à mes yeux pour des raisons personnelles, où des “campesinos” (ouvriers agricoles), des indigènes et des Afro-Colombiens sont expulsés de leurs terres dévastées par la terreur et la guerre chimique, appelée ici “fumigation”, comme si d’une certaine façon nous avions le droit de détruire d’autres pays sous des prétextes que nous fabriquons – des gens capables d’une sympathie et d’une humanité miraculeuses, malgré une souffrance atroce pour laquelle nous jouons un rôle majeur, pendant que nous regardons dans une autre direction – pas à Madison cependant, grâce au travail du groupe de soutien de la Colombie.

Une des choses que j’avais apprise dans les librairies et les bureaux anarchistes il y a 70 ans c’était que j’avais eu tort de croire que la chute de Barcelone en 1939 avait sonné la mort de la liberté en Espagne. Cela avait eu lieu deux ans auparavant, en mai 1937, quand la classe ouvrière industrielle avait été écrasée par la répression menée par les Communistes et les armées Communistes à travers toute la campagne détruisant les collectivités, avec l’aide des démocraties libérales et avec Hitler et Mussolini attendant en coulisse – une immense tragédie pour l’Espagne, même si cela n’a pas été la victoire que les prédateurs avait anticipée.

Quelques années après, je suis parti de la maison pour faire mes études à Harvard, où j’ai eu ma première expérience avec l’élite du monde intellectuel. En arrivant, je suis allé à la traditionnelle réception organisée par les professeurs pour les nouveaux étudiants et je suis tombé sur un philosophe éminent qui m’affirmait que la Dépression n’avait pas eu lieu. C’était une fabrication des libéraux. Il n’y avait pas eu de mendiants frappant en désespoir à nos portes au début des années 30, pas de femmes ouvrières battues par les forces de sécurité au cours d’une grève dans une usine de textile devant laquelle je passais en tramway avec ma mère à l’âge de cinq ans environ, mes parents de la classe ouvrière au chômage n’avaient pas existé non plus. Quelques hommes d’affaire avaient peut-être souffert, mais rien de plus que ça.

J’ai appris ensuite que cela était loin d’être une exception, mais je ne veux pas suggérer que c’était typique des intellectuels de Harvard. La plupart étaient des libéraux du type Stevenson, des gens qui applaudissaient quand Stevenson disait aux Nations Unies que nous devions défendre le Viêt Nam contre une “agression interne”, un “assaut de l’intérieur”, comme le Président Kennedy le disait. Ce sont des phrases qu’on entend encore aujourd’hui, par exemple, dimanche dernier, dans le New York Times, où on lisait qu’après la conquête de Marja dans la province d’Helmand, les Marines s’étaient heurtés à une identité Talibane si dominante que le mouvement ressemble plus à la seule organisation politique dans une ville à parti unique, avec une influence qui touche tout le monde. “Nous devons réévaluer notre définition du mot ’ennemi’” a dit Brig. Gen. Larry Nicholson, commandant de la brigade expéditionnaire de Marines dans la Province de Helmand. “La plupart des gens s’identifient comme Talibans… Nous devons réajuster notre façon de penser de manière à ce que nous n’essayions pas de chasser les Talibans de Marja, mais que nous essayions de chasser l’ennemi,” a-t-il dit.

Il est un problème qui a toujours tourmenté les conquérants, et qui est très familier aux États-Unis pendant la guerre du Viêt Nam, où l’éminent spécialiste du gouvernement des États-Unis, dans un ouvrage encensé de part et d’autre, déplorait que l’ennemi de l’intérieur était le seul “véritable parti politique de masse au Sud-Viêt Nam” et que tous nos efforts pour rentrer politiquement en compétition seraient perdus d’avances, donc nous devions vaincre cette force politique en utilisant notre avantage comparatif, la violence – ce que nous avons fait. D’autres ont dû faire face à des problèmes similaires : par exemple, les Russes en Afghanistan dans les années 80, une invasion qui a aussi provoqué le scandale que nous provoquons pour les crimes de nos ennemis. Le spécialiste du Moyen-Orient William Polk nous rappelle que les Russes “ont gagné de nombreuses victoires et au travers de leurs programmes d’action civique ils ont pu conquérir de nombreux villages” – et en fait, comme nous le savons de source fiable, ils ont créé une paix substantielle à Kaboul, particulièrement pour les femmes. Mais, pour continuer avec Polk, “tout au long de leur décennie d’engagement, les Russes ont gagné presque toutes les batailles et ont littéralement occupé à un point ou à un autre le moindre centimètre du pays, mais ils ont perdu… la guerre. Quand ils ont abandonné et sont partis, les Afghans ont repris leur mode de vie traditionnel.”

Les dilemmes auxquels font face Obama et McChrystal ne sont pas vraiment les mêmes. Les ennemis que les Marines essayent de chasser de leurs villages n’ont quasiment aucun soutien de l’extérieur. Les envahisseurs Russes, de façon très différente, faisaient face à une résistance qui recevaient le soutien vital des États-Unis, de l’Arabie Saoudite et du Pakistan, qui enrôlaient les fondamentalistes Islamiques radicaux les plus extrêmes qu’ils pouvaient trouver – incluant ceux qui terrorisaient les femmes à Kaboul – et les armaient avec des armes perfectionnées, tout en faisant avancer le programme d’islamisation radicale du Pakistan, encore un des cadeaux de Reagan au monde, comme les armes nucléaires du Pakistan. Le but de ces opérations américaines n’était pas de défendre l’Afghanistan. Cela a été clairement expliqué par le chef de la CIA à Islamabad, qui s’occupait des opérations. Le but était de “tuer des soldats Russes.” Il se vantait qu’il “aimait” ce “noble objectif,” rendant très clair, selon ses mots, que “la mission n’était pas de libérer l’Afghanistan,” qui ne nous intéressait pas en soi. Je suis sûr que vous connaissez les vantardises du même acabit proférées par Zbigniew Brzezinski.

Au début des années 60, j’étais fortement impliqué dans des activités anti-guerre. Je ne rentrerai pas dans les détails, bien qu’ils nous en disent beaucoup sur le climat intellectuel, notamment dans le monde libéral de Boston. En 1966, mon propre engagement était suffisamment important pour que ma femme retourne à l’université afin d’obtenir un diplôme supérieur 17 ans plus tard à cause de la probabilité d’une longue peine de prison – que j’ai évitée de justesse. Le jugement avait déjà été annoncé, mais annulé après l’offensive du Têt, qui avait convaincu le monde du business que la guerre devenait trop coûteuse et, de toute façon, que les objectifs majeurs de la guerre avaient été atteints – une autre histoire que je ne développerai pas. Après l’offensive du Têt et le changement dans la politique officielle, il se trouvait soudainement que tout le monde avait été un opposant de la première heure à la guerre – dans un profond silence. Les biographes de Kennedy ont réécrit leurs compte-rendus afin de présenter leur héros comme une colombe – absolument pas dérangés par les révisions radicales ou par la multitude de documents et de preuves démontrant que JFK envisageait un retrait d’une guerre qu’il savait impopulaire à l’intérieur du pays, seulement après qu’une victoire eût été assurée.

Même après l’offensive du Têt, les doutes allaient croissant dans ces cercles, non pas à propos des notions sentimentales de bien et de mal que nous réservons pour les crimes des ennemis, mais au sujet des chances de succès de repousser l’”assaut de l’intérieur”. Un paradigme pourrait être représenté par les réflexions d’Arthur Schlesinger lorsqu’il commençait à être préoccupé par le fait que la victoire ne soit finalement pas à portée de main. Comme il le dit, “nous prions tous” pour que les faucons aient raison et que la montée en puissance militaire apporte la victoire. Et si c’est le cas, nous honorerons la “sagesse et la qualité du pouvoir étatique” du gouvernement des États-Unis dans la victoire militaire, tout en laissant “le pays tragiquement ravagé et dévasté par les bombes, brûlé par le napalm, transformé en une terre à l’abandon par la défoliation chimique, une terre de ruines et de carcasses,” avec ses “structures politiques et institutionnelles” pulvérisées. Mais l’escalade militaire ne réussira probablement pas et se montrera trop coûteuse pour nous-mêmes, donc peut-être que la stratégie devrait être repensée.

Très peu de choses ont changé aujourd’hui quand Obama est salué comme un opposant de premier plan à l’invasion de l’Irak parce-que c’était une “erreur stratégique”, des mots qu’on aurait également pu lire dans la Pravda dans le milieu des années 80. La mentalité impériale est profondément ancrée.

C’est triste à dire, mais pas faux, qu’au sein du spectre dominant les impérialistes libéraux sont “les gentils.” Une probable alternative est révélée par les plus récents sondages. Presque la moitié des votants disent que leurs opinions sont en moyenne plus proches du “Tea Party” que du président Obama, qu’une minorité préfère. Il y a une cassure intéressante. Quatre-vingt sept pour cent des membres de la soit-disant “Classe Politique” disent que leurs opinions sont plus proches de celles d’Obama. Soixante-trois pour cent de ce qu’on appelle “les Américains Moyens” disent que leurs opinions sont plus proches du “Tea Party”. Sur quasiment tous les problèmes, les électeurs font plus confiance aux Républicains qu’aux Démocrates, et ceci significativement. Une autre évidence c’est que ces sondages révèlent un déni de confiance plutôt qu’une marque de confiance. Le niveau de colère et de peur dans le pays n’est en rien comparable à ce dont je peux me souvenir dans ma vie entière. Et depuis que les Démocrates sont au pouvoir, le dégoût envers le monde social-économique-politique se rapporte à eux.

Malheureusement, ces attitudes sont compréhensibles. Pendant 30 ans, les revenus moyens ont stagné ou décliné pour la majorité de la population, les indicateurs sociaux se sont progressivement détériorés depuis le milieu des années 70 après avoir suivi de près la croissance durant les années précédentes, les heures de travail et la précarité ont augmenté avec l’endettement. La richesse s’est accumulée, mais dans très peu de poches, menant à une inégalité probablement record. Tout ceci est, en grande partie, la conséquence de la financiarisation de l’économie depuis les années 70 et de l’effondrement de la production intérieure. Ce que les gens voient se dérouler sous leurs yeux, c’est que les banquiers qui sont les premiers responsables de la crise actuelle et qui ont été sauvés de la banqueroute par l’argent public se réjouissent maintenant de profits records et d’énormes bonus, pendant que le chômage officiel reste à environ 10 pour cent et que dans l’industrie de la manufacture il atteint des niveaux de dépression, de 1 chômeur pour 6 actifs, avec de fortes probabilités de non-retour à un bon emploi. Les gens ont raison de demander des réponses et ils n’en obtiennent pas, sauf de la part de ceux qui racontent des fables qui ont une certaine cohérence interne, mais seulement si vous mettez de côté votre scepticisme et entrez dans leur monde d’irrationalité et de malhonnêteté. Tourner en ridicule les manigances du “Tea Party” est une grave erreur, je pense. Il serait bien plus pertinent de comprendre ce qu’il y a derrière elles et de se demander pourquoi des gens légitimement en colère sont mobilisés par l’extrême droite et non pas par des forces telles que celles qui faisaient ce travail dans ma jeunesse, au temps de la formation du CIO [“Congress of Industrial Organizations” – fédération de syndicats créée dans les années 30] et d’autres formes constructives d’activisme.

Pour prendre juste un exemple du fonctionnement réel de la démocratie des marchés, les institutions financières qui étaient le soutien majeur d’Obama, sont devenue si dominantes que leurs profits dans l’économie, représentant quelques pour-cent dans les années 70, atteignent aujourd’hui presque le tiers. Ils ont préféré Obama à McCain et ont ainsi acheté l’élection pour lui. Ils s’attendaient à être récompensés et ils l’ont été. Mais il y a quelques mois, en réagissant à la montée du mécontentement de la population, Obama a commencé à critiquer les “banquiers avares” qui avaient été sauvés par les forces publiques et a même proposé des mesures contraignantes. Cet écart a été puni très rapidement. Les grandes banques ont clairement annoncé qu’elles détourneraient leurs aides financières vers les Républicains si Obama s’obstinait dans sa rhétorique insultante.

Obama a entendu le message. En quelques jours, il a informé la presse des affaires que les banquiers sont des “types” biens. Il a rendu un hommage appuyé aux présidents de deux institutions importantes bénéficiaires des largesses publiques, JP Morgan Chase et Goldman Sachs et a garanti au monde des affaires que “comme la majorité des américains, je ne dénigre pas la réussite ou la richesse des gens” – telles que les bonus et les profits qui exaspèrent la population. “Cela fait parti du système du marché libre,” a continué Obama, de façon assez juste en somme, puisque le concept de “marché libre” est interprété dans la doctrine du capitalisme d’État.

Ceci ne devrait pas être une grande surprise. Cet incorrigible radical Adam Smith, en parlant de l’Angleterre, observait que les principaux architectes du pouvoir étaient les propriétaires de la société, les marchands et les fabricants à son époque, et qu’ils s’assuraient que les politiques servaient scrupuleusement leurs intérêts, quelle que soit la “souffrance” infligée au peuple d’Angleterre, et, pire, aux victimes de “l’injustice sauvage des Européens” à l’étranger. Les crimes britanniques en Inde étaient une préoccupation majeure d’un conservateur bien-pensant avec des valeurs morales, une catégorie que Diogène pourrait chercher de nos jours.

Une version moderne et plus sophistiquée de la maxime de Smith est “la théorie de l’investissement en politique” ("investment theory of politics"), de l’économiste politique Thomas Ferguson, qui considère les élections comme des occasions pour des groupes d’investisseurs de se rassembler pour le contrôle de l’État en sélectionnant les architectes des politiques qui serviront leurs intérêts. Il se trouve qu’il s’agit d’un très bon indice pour prédire les politiques sur de longues périodes. Cela ne devrait pas être surprenant. Les concentrations du pouvoir économique chercheront naturellement à étendre leur influence sur tout processus politique. C’est extrêmement développé aux États-Unis, comme je l’ai mentionné.

Il y a ces jours-ci des discussions très animées pour savoir si, ou à quel moment, les États-Unis céderont leur position dominante dans les affaires à la Chine et à l’Inde, les puissances mondiales montantes. Il y a une part de vérité dans ses lamentations. Mais à part des idées fausses au sujet de la dette, des déficits et de l’état actuel de la Chine et de l’Inde, les débats se basent sur une sérieuse erreur de jugement à propos de la nature du pouvoir et de son exercice. Et dans les travaux académiques et les discours publics, il est courant de considérer que les acteurs des affaires internationales sont des États en quête d’un objectif mystérieux appelé “intérêt national”, indépendants de la distribution interne du pouvoir. Adam Smith avait un regard plus aiguisé et son truisme radical fournit un rectificatif très utile. En le gardant en tête, on peut voir qu’il y a en effet un déplacement global du pouvoir, mais pas celui qui occupe le devant de la scène : un déplacement plus poussé de la force de travail vers le capital transnational, s’intensifiant brusquement durant les années néolibérales. Le coût est considérable, incluant les travailleurs aux États-Unis, des paysans affamés en Inde et des millions de travailleurs protestataires en Chine, où la part du travail dans le revenu national décline encore plus rapidement que dans la plupart des autres pays du monde.

L’économiste politique Martin Hart-Landsberg observe que la Chine joue en effet un rôle essentiel dans le déplacement global réel du pouvoir, en étant largement devenue une usine d’assemblage pour un système de production régionale. Le Japon, Taïwan et d’autres économies avancées d’Asie exportent des pièces détachées et des composants vers la Chine et fournissent la majeure partie de la technologie de pointe. La force de travail chinoise l’assemble et l’exporte. Par exemple, une étude de la “Sloan Foundation” a estimé que pour un iPod de 150 dollars exporté à partir de la Chine, environ 3 pour cent de sa valeur est ajoutée en Chine, mais cela est tout de même considéré comme une exportation chinoise. Une grande préoccupation est apparue au sujet de la hausse du déficit commercial des États-Unis avec la Chine, mais on remarque moins que le déficit commercial avec le Japon et le reste de l’Asie a fortement diminué, alors que le nouveau système de production régionale se met en place. Un communiqué du Wall Street Journal concluait que si la valeur ajoutée est correctement calculée, le véritable déficit commercial entre les États-Unis et la Chine se réduirait de 30 pour cent, alors que le déficit commercial des États-Unis avec le Japon augmenterait de 25 pour cent. Les fabricants américains suivent la même logique, ils fournissent des pièces détachées et des composants à la Chine pour qu’elle les assemble et les exporte, de retour vers les Etats-Unis pour la plupart. Pour les institutions financières, les géants de la grande distribution, les propriétaires et les équipes dirigeantes des industries manufacturières et les secteurs étroitement liés à ce réseau de pouvoir, tout ceci est divin. Pas pour les travailleurs Américains, mais comme Smith le faisait remarquer, leur destin n’est pas la préoccupation des “principaux architectes de la politique”.

C’est vrai qu’il n’y a rien de fondamentalement nouveau dans le processus de dés-industrialisation. Les propriétaires et les directeurs recherchent naturellement les coût de main d’œuvre les plus bas ; les efforts pour faire autrement, de façon célèbre par Henry Ford, ayant été anéantis par les tribunaux, c’est désormais une obligation légale. Un moyen est le déplacement de la production. Auparavant, le déplacement était essentiellement interne, surtout vers les états du sud, où la main d’œuvre pouvait être durement réprimée. Les plus grosses sociétés, comme l’”US steel corporation” du philanthrope vénéré Andrew Carnegie, pouvaient aussi profiter de la nouvelle force de travail-esclave créée par la criminalisation des noirs après la fin de la reconstruction en 1877, une pièce maîtresse de la révolution industrielle Américaine, qui continua jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Cela a été reproduit en partie pendant la récente période néolibérale, avec la guerre contre la drogue utilisée comme un prétexte pour ramener la population superflue, majoritairement noire, dans les prisons, et en fournissant également une nouvelle source de main d’œuvre carcérale dans les prisons d’état ou privées, pour l’essentiel en violation des conventions internationales du travail. Pour beaucoup d’afro-Américains, puisqu’ils ont été exportés dans les colonies, la vie n’a pratiquement jamais quitté l’étau de l’esclavagisme, ou parfois pire. Plus récemment, le déplacement se fait majoritairement à l’étranger.

Pour en revenir aux accusations contre les “banquiers avares”, pour être juste, nous devrions admettre qu’ils ont une défense valable. Leur tâche est de maximiser les profits et les parts de marché ; en fait, c’est leur obligation légale. S’ils ne le font pas, ils seront remplacés par quelqu’un qui le fera. Ce sont des faits institutionnels, comme le sont les inefficacités inhérentes du marchés qui leur demandent d’ignorer le risque systémique : la probabilité que les transactions qu’ils effectuent vont faire du mal à l’économie en général. Ils savent très bien que ces politiques vont probablement asphyxier l’économie, mais ces externalités, comme on les appelle, ce ne sont pas leurs affaires, et elles ne peuvent pas l’être, non pas parce-que ce sont des gens méchants, mais pour des raisons institutionnelles. Il est également injuste de les accuser d’”exubérance irrationnelle,” pour emprunter à Allan Greenspan sa brève reconnaissance des réalités pendant le boom technologique artificiel de la fin des années 90. Leur exubérance et la prise de risque était plutôt rationnelle, lorsque l’on sait que quand tout s’écroule, ils ont la possibilité de se réfugier à l’abri de l’état-nounou, tout en se cramponnant à leurs copies d’Hayek, Friedman et Rand. La politique d’assurance du gouvernement est l’un des nombreux encouragements qui amplifient les inefficacités inhérentes du marché.

En résumé, ignorer le risque systémique est une propriété institutionnelle inhérente et les encouragements pervers sont une application de la maxime de Smith. Encore une fois, rien de très nouveau.

A la suite du dernier désastre, des économistes importants ont accepté l’idée qu’un “consensus émergent” s’était développé sur la base d’une “nécessité d’une supervision macro-prudentielle” des marchés financiers, c’est à dire “prêter attention à la stabilité du système financier comme un tout et pas juste par ses composantes individuelles” (Barry Eichengreen, un des analystes et historiens les plus respectés du système financier). Deux éminents économistes internationaux rajoutent ceci, “il y a une reconnaissance croissante que notre système financier court à sa perte. A chaque fois qu’il chute, nous comptons sur des rentrées d’argent et des politiques fiscales laxistes pour le sauver. Cette réponse enseigne ceci au secteur financier : prenez des paris insensés pour être grassement payés et ne vous occupez pas des coûts – ils seront pris en charge par les contribuables au travers de sauvetages et autres méthodes et le système financier “sera ainsi ressuscité pour, à nouveau, parier – et encore échouer.” Le système est un “cercle vicieux,” selon les paroles de l’officiel de la Banque d’Angleterre, responsable de la stabilité financière.

D’une façon générale, la même logique s’applique ailleurs. Il y a un an, le monde des affaires a admis que les compagnies d’assurance et l’industrie pharmaceutique, au plus grand mépris du public, réussira ou plutôt a réussi à détruire la possibilité d’une réforme significative du système de santé – un sujet sérieux, pas seulement pour les gens qui souffrent du système de santé dysfonctionnel, mais également pour des raisons économiques précises. A peu près la moitié du déficit sur lequel on nous dit de nous lamenter est attribuable à des dépenses militaires sans précédents, en hausse sous Obama, et la plupart du reste aux coûts croissants d’un système de santé privatisé virtuellement non régulé, unique dans le monde industriel, unique aussi pour ses cadeaux aux compagnies pharmaceutiques – un système auquel un bon 85 pour-cent de la population est opposé. En août dernier, la couverture de Business Week célébrait la victoire de l’industrie des assurances santé. Bien-sûr, il n’y pas de victoire suffisante, donc ils ont poursuivi la lutte, gagnant plus, toujours contre la volonté d’une large majorité du public, une autre histoire intéressante que je dois mettre de côté.

En observant cette victoire, l’American Petroleum Institute, soutenu par la Chambre du Commerce et les autres grands lobbies, ont annoncé qu’ils utiliseraient le modèle des campagnes de l’industrie de la santé pour intensifier leurs efforts massifs de propagande afin de convaincre le public de mettre de côté leurs préoccupations à propos du réchauffement climatique anthropogénique. Cela a été réalisé avec grand succès ; ceux qui croient en ce canular libéral se sont réduits à à peine un tiers de la population. Les dirigeants qui se dédient à cette tâche savent aussi bien que le reste d’entre nous que le canular libéral est vrai et que les perspectives sont moroses. Mais ils remplissent leur rôle institutionnel. Le destin de l’espèce est une externalité qu’ils doivent ignorer, dans la mesure où les systèmes de marchés dominent.

Une des plus claires et émouvantes manifestations de l’humeur du public que j’ai vues a été écrite par Joseph Andrew Stack, qui a écrasé sont petit avion dans un immeuble de bureaux à Austin, Texas, il y a quelques semaines, en se suicidant. Il a laissé un manifeste expliquant ses actions. Cela a été surtout tourné en ridicule, mais mérite bien mieux, je pense.

Le manifeste de Stack retrace l’histoire d’une vie qui l’a mené à cet acte désespéré. L’histoire débute quand il était étudiant adolescent, avec trois fois rien pour vivre à Harrisburg, PA (Pennsylvanie), près du cœur de ce qui avait été un grand centre industriel. Sa voisine était une femme de plus de 80 ans, survivant grâce à de la nourriture pour chat, la veuve d’un travailleur métallurgiste retraité. Son mari avait travaillé toute sa vie dans les aciéries du centre de la Pennsylvanie avec des promesses du monde des affaires et du syndicat que, pour ses 30 années de service, il toucherait une pension et des soins médicaux à sa retraite. A la place, il a fait parti des milliers de personnes qui n’ont rien eu parce-que l’équipe dirigeante incompétente de l’aciérie et le syndicat corrompu (sans parler du gouvernement) ont raflé leurs fonds de pensions et ont volé leur retraites. “Tout ce qu’elle avait pour vivre c’était la sécurité sociale” (citation) ; et Stack aurait pu ajouter qu’il y a eu des efforts continus et concertés par les super riches et leurs alliés politiques pour que même cela soit retiré par des moyens frauduleux. Stack décida alors qu’il ne pouvait pas faire confiance au milieu des affaires et qu’il deviendrait indépendant, seulement pour découvrir qu’il ne pouvait pas faire confiance à un gouvernement qui ne se préoccupait absolument pas des gens comme lui mais uniquement des riches et des privilégiés, ou d’un système légal dans lequel, selon ses mots, “il y a deux ‘interprétations’ pour chaque loi, une pour les très riches et une pour le reste d’entre nous.” Ou d’un gouvernement qui nous laisse avec “la plaisanterie que nous appelons le système médical Américain, incluant les compagnies pharmaceutiques et d’assurance [qui] assassinent des dizaines de milliers de gens par an,” avec des soins largement rationnés en fonction de la richesse, pas du besoin. Tout cela dans un ordre social dans lequel “une poignée de voyous et de malfrats peuvent commettre des atrocités impensables… et lorsque vient le moment ou leur poule aux œufs d’or s’écrase sous le poids de leur gloutonnerie et leur accablante stupidité, la force de l’ensemble du gouvernement fédéral n’a aucune difficulté à leur venir en aide en quelques heures, si ce n’est en quelques minutes.” Et bien plus encore.

Stack nous dit que son acte final désespéré représentait un effort pour montrer qu’il y a des gens prêts à mourir pour leur liberté, dans l’espoir de tirer les autres de leur torpeur. Cela ne me surprendrait pas s’il avait à l’esprit la mort prématurée du métallurgiste qui l’avait instruit sur le monde réel lorsqu’il était adolescent. Ce travailleur ne s’était pas véritablement suicidé après avoir été jeté au dépotoir, mais c’est loin d’être un cas isolé ; on peut ajouter son cas et de nombreux autres cas similaires au coût colossal des crimes institutionnels du capitalisme d’état.

Il y a des études poignantes sur l’indignation et la rage de ceux qui ont été dépouillés lorsque les programmes état-entreprise de financiarisation et de dés-industrialisation ont fermé des usines et détruit des familles et des communautés. Elles révèlent le sentiment de profonde trahison éprouvé par des travailleurs qui croyaient avoir rempli leur devoir envers la société dans le cadre d’un pacte avec le monde des affaires et le gouvernement, pour découvrir qu’en fait ils avaient été instrumentalisés pour le profit et le pouvoir, des truismes dont ils ont été soigneusement protégés par les institutions doctrinales.

En lisant le manifeste de Joe Stack et de nombreux autres témoignages comme celui-ci, je me surprend à me remémorer des souvenirs d’enfance et bien plus que je ne comprenais pas à l’époque. La République de Weimar était le sommet de la civilisation occidentale dans les sciences et les arts, et aussi un modèle de démocratie. Pendant les années 1920, les partis libéraux et conservateurs traditionnels entrèrent dans une inexorable phase de déclin, bien avant que le processus ne soit accentué par la Grande Dépression. La coalition qui élut le Général Hindenburg en 1925 n’était pas très différente de la base qui a poussé Hitler au pouvoir huit ans après, obligeant l’aristocratique Hindenburg à choisir comme chancelier le “petit caporal” qu’il méprisait. En 1928, les Nazis avaient moins de 3 pour-cent des votes. Deux ans plus tard, la presse la plus respectable de Berlin se lamentait à la vue des ces millions de personnes dans ce “pays hautement civilisé” qui avaient “donné leur vote au plus commun, au plus faux, au plus vulgaire charlatanisme.” Le public était écœuré de l’incessant marchandage des politiques de Weimar, des services rendus par les partis traditionnels aux intérêts puissants et leur échec face aux réclamations du peuple. Ils étaient amenés à devenir des forces dédiées au maintien de la grandeur de la nation et à sa défense contre des menaces inventées dans un état revitalisé, armé et unifié, marchant vers un futur glorieux, mené par la figure charismatique qui mettait en œuvre “la volonté de l’éternelle Providence, le Créateur de l’univers,” comme il le clamait devant des foules hypnotisées. En mai 1933, les Nazis avaient non seulement largement détruit les partis traditionnels au pouvoir, mais aussi les énormes partis des travailleurs, les Sociaux Démocrates et les Communistes, ainsi que leurs très puissantes associations. Les Nazis déclarèrent en 1933 que le premier mai serait un jour férié pour les travailleurs, ce que les partis de gauche n’avaient jamais réussi à réaliser. De nombreux travailleurs participèrent aux immenses démonstrations patriotiques, avec plus d’un million de personnes au cœur du Berlin Rouge (“Red Berlin”), rejoignant des fermiers, des artisans, des boutiquiers, des forces paramilitaires, des organisations Chrétiennes, des clubs de sport et de tirs, et le reste de la coalition qui prenait forme alors que le centre s’effondrait. Au commencement de la guerre, 90 pour cent peut-être des Allemands marchaient en chemise verte.

Comme je l’ai mentionné, je suis juste assez vieux pour me souvenir de ces jours effrayants et menaçants lors de la chute de l’Allemagne de la décence vers le barbarisme Nazi, pour emprunter ces mots au distingué spécialiste d’histoire Allemande Fritz Stern. Il nous dit qu’il a à l’esprit l’histoire des États-Unis quand il analyse “un processus historique dans lequel le ressentiment contre un monde séculier désenchanté a trouvé une délivrance dans la fuite extatique de la déraison.”

Le monde est trop complexe pour que l’histoire se répète, mais il y a cependant des leçons dont il faut se souvenir. Les tâches ne manquent pas pour ceux qui ont choisi la vocation d’intellectuel critique, quelle que soit leur situation dans la vie. Ils peuvent chercher à chasser le brouillard des illusions artificielles soigneusement construites et révéler la réalité crue. Ils peuvent s’engager directement dans des luttes populaires, aider à l’organisation des innombrables Joe Stacks qui se détruisent eux-mêmes et le monde avec peut-être, et se joindre à eux pour montrer la voie vers un avenir meilleur.

VO : Exposé à l’occasion du A.E. Havens Center’s Award for Lifetime Contribution to Critical Scholarship, 8 avril 2010

VF : CHOMSKY.fr, 8 juin 2010

Traduction : Cédric Louvet pour CHOMSKY.fr

 
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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 23:36

Le recours, par les systèmes de pouvoir, à la peur pour discipliner la population intérieure a laissé un long et épouvantable sillage de carnage et de souffrance que nous ignorons à nos risques et périls. L'histoire récente en fournit de nombreuses illustrations choquantes.

Le milieu du vingtième siècle a probablement été le témoin des crimes les plus terribles depuis les invasions Mongoles. Les plus sauvages ont été commis là où la civilisation occidentale avait accompli ses splendeurs les plus grandes. L'Allemagne était un centre majeur des sciences, des arts et des lettres, du savoir humaniste et d'autres accomplissements mémorables. Avant la Première Guerre Mondiale, avant que l'hystérie anti-allemande n'ait été attisée dans tout l'Occident, l'Allemagne avait aussi été considérée par la science politique américaine comme une démocratie modèle, devant être imitée par l'Occident. Au milieu des années 1930, l'Allemagne a été menée en quelques années à un niveau de barbarie qui a peu d'homologues historiques. Ce fut particulièrement vrai, très notablement, parmi les secteurs les plus instruits et civilisés de la population.

Dans ses remarquables journaux de sa vie de Juif sous le Nazisme - échappant aux chambres à gaz par un quasi miracle - Victor Klemperer écrit ces mots sur un professeur allemand ami qu'il avait beaucoup admiré, mais qui avait finalement rejoint le troupeau : "si un jour la situation était inversée et que le sort du vaincu reposait entre mes mains, alors je laisserais partir tous les gens ordinaires et même certains des dirigeants, qui pourraient peut-être après tout avoir eu des intentions honorables et ne pas avoir su ce qu'ils faisaient. Mais je ferais pendre tous les intellectuels haut et court, et les professeurs trois pieds plus haut que les autres; ils resteraient pendus aux réverbères aussi longtemps que ce serait compatible avec l'hygiène."

La réaction de Klemperer était méritée et et se généralise à une grande partie de l'histoire.

Les événements historiques complexes ont toujours beaucoup de causes. Un facteur crucial dans ce cas fut la manipulation habile de la peur. "Les gens ordinaires" ont été poussés à craindre une conspiration judéo-bolchevique pour la domination du monde, mettant en danger la survie même du peuple d'Allemagne. Des mesures extrêmes étaient donc nécessaires, par "autodéfense". Les intellectuels révérés allèrent bien plus loin.

Comme les nuages de la tempête Nazi couvraient le pays en 1935, Martin Heidegger dépeignait l'Allemagne comme la nation "la plus menacée" du monde, saisie dans "les grandes tenailles" d'une attaque contre la civilisation elle-même, menée sous sa forme la plus brutale par la Russie et l'Amérique. Non seulement l'Allemagne était la principale victime de cette force stupéfiante et barbare, mais il était aussi de la responsabilité de l'Allemagne, "la plus métaphysique des nations," de mener la résistance. L'Allemagne se tenait "au centre du monde occidental," et devait protéger "de l'annihilation" le grand héritage de la Grèce classique, en s'appuyant sur "les nouvelles énergies spirituelles qui se déploient historiquement depuis le centre". "Les énergies spirituelles" étaient en train se déployer de façons qui étaient suffisamment évidentes quand il délivra ce message, auquel lui et d'autres intellectuels les plus en vue continuèrent d'adhérer.

Le paroxysme de massacres et d'annihilation n'a pas fini, avec l'utilisation d'armes qui pourraient très bien conduire l'espèce à une fin amère. Nous ne devrions pas non plus oublier que ces armes à mettre fin à l'espèce ont été créées par les figures les plus brillantes, humaines et hautement instruites de la civilisation moderne, travaillant dans l'isolement et si ravis par la beauté du travail dans lequel ils étaient engagés qu'ils ont apparemment prêté peu d'attention aux conséquences : des protestations scientifiques significatives contre les armes nucléaires ont commencé dans les laboratoires à Chicago, après la fin de leur rôle dans la création de la bombe, pas à Los Alamos, où le travail a continué jusqu'à la fin sinistre. Pas tout à fait la fin.

L'histoire officielle de l'Armée de l'Air américaine raconte qu'après le bombardement de Nagasaki, quand la soumission du Japon à une reddition inconditionnelle était certaine, le Général Hap Arnold "voulait un aussi grand final que possible," un raid de jour de 1,000 avions sur les villes japonaises sans défense. Le dernier bombardier retournait à sa base exactement quand l'accord de reddition inconditionnelle fut formellement reçu. Le chef de l'Armée de l'Air, le général Carl Spaatz, aurait préféré que le grand final soit une troisième attaque nucléaire sur Tokyo, mais en fut dissuadé. Tokyo était "une cible médiocre" ayant déjà été incinéré dans l'incendie dévastateur soigneusement exécuté en mars, qui avait laissé peut-être 100,000 cadavres carbonisés dans un des pires crimes de l'histoire.

De tels sujets sont exclus des tribunaux qui jugent des crimes de guerre et en grande partie expurgés de l'histoire. À ce jour on les connaît à peine au-delà des cercles des activistes et des spécialistes. A l'époque ils ont été publiquement salués comme un exercice légitime d'autodéfense contre un ennemi vicieux qui avait atteint le niveau suprême de l'infamie en bombardant des bases militaires américaines dans ses colonies hawaïennes et philippines.

Il est peut être intéressant de se souvenir que les bombardements japonais de décembre 1941 - "la date qui vivra dans l'infamie," selon l'expression ronflante de Franklin D. Roosevelt - étaient plus que justifiés d'après les doctrines "de l'autodéfense anticipée" qui prévalent parmi les actuels leaders des auto-proclamés "États éclairés," les USA et leur client britannique. Les dirigeants japonais savaient que des B-17 Forteresses Volantes sortaient des chaînes de production de Boeing, et étaient sûrement familiers avec les discussions publiques aux USA qui expliquaient comment on pourrait utiliser ces avions pour incinérer les villes en bois du Japon en une guerre d'extermination, à partir des bases hawaïennes et philippines - "pour détruire par le feu le coeur industriel de l'Empire avec des bombardements incendiaires sur les grouillantes fourmilières de bambou," comme le Général de l'Armée de l'Air en retraite Chennault le recommanda en 1940, proposition qui "enchanta tout simplement" le Président Roosevelt. Il est évident que c'est là une justification nettement plus sérieuse pour bombarder des bases militaires dans des colonies américaines que quoi que ce soit qui a été évoqué par Bush-Blair et leurs associés dans leur exécution "de la guerre préemptive" - et accepté, avec des réserves tactiques, dans l'ensemble de l'opinion grand public exprimée.

La comparaison, pourtant, est inopportune. Ceux qui habitent dans des grouillantes fourmilières de bambou n'ont pas droit à des émotions telles que la peur. De tels sentiments et préoccupations sont les prérogatives des seuls "hommes riches vivant en paix dans leurs résidences," selon la rhétorique de Churchill, "des nations satisfaites, qui ne souhaitaient rien de plus pour eux que ce qu'ils ont déjà," et à qui, donc, "le gouvernement du monde doit être confié" si l'on recherche la paix - cette certaine sorte de paix, dans laquelle les hommes riches doivent être libres de toute crainte.

A quel point exactement les hommes riches doivent être préservés de la peur est révélé graphiquement par des études hautement considérée sur les nouvelles doctrines "de l'autodéfense anticipée" élaborées par les puissants. La contribution la plus importante d'une certaine profondeur historique est d'un des principaux historiens contemporains, John Lewis Gaddis de l'Université de Yale . Il fait remonter la doctrine de Bush à son héros intellectuel, l'immense stratège John Quincy Adams. Dans une paraphrase du "New-York Times", Gaddis "suggère que le cadre de Bush pour combattre le terrorisme a ses racines dans la noble tradition idéaliste de John Quincy Adams et Woodrow Wilson".

Nous pouvons laisser de côté le passé honteux de Wilson, et nous en tenir aux origines de la noble tradition idéaliste, qu'Adams a établie dans une adresse officielle célèbre justifiant la conquête de la Floride par Andrew Jackson lors de la Première Guerre Séminole en 1818. La guerre avait été justifiée par l'autodéfense, argumenta Adams. Gaddis reconnaît que ses motifs étaient des préoccupations légitimes de sécurité. Dans la version de Gaddis, après que la Grande-Bretagne ait mis à sac Washington en 1814, les dirigeants américains ont admis que "l'expansion est le chemin de la sécurité" et donc conquérirent la Floride, une doctrine maintenant étendue au monde entier par Bush - à juste titre, soutient il.

Gaddis cite les sources universitaires correctes, principalement l'historien William Earl Weeks, mais omet ce qu'ils disent. Nous apprenons beaucoup sur les précédents des doctrines actuelles et sur le consensus actuel, en regardant ce que Gaddis omet. Weeks décrit avec un luxe de détails choquant ce que fit Jackson "dans la démonstration de meurtre et de pillage connue sous le nom de Première Guerre Séminole," et qui n'était qu'une nouvelle phase de son projet "de suppression ou d'élimination des indigènes Américains du sud-est," qui était en voie de réalisation bien avant 1814. La Floride était un problème tant parce qu'elle n'avait pas encore été incorporée dans l'empire Américain en expansion que parce que c'était "un refuge pour les Indiens et les esclaves fugitifs … qui fuyaient la colère de Jackson ou l'esclavage".

Il y avait eu en fait une attaque indienne, que Jackson et Adams ont utilisée comme prétexte : les forces américaines avaient chassé une bande de Seminoles de leurs terres, en tuant plusieurs et réduisant leur village en cendres. Les Séminoles exercèrent des représailles en attaquant un bateau de ravitaillement sous contrôle militaire. Saisissant l'occasion, Jackson "s'engagea dans une campagne de terreur, de dévastation et d'intimidation", détruisant les villages et "les sources de nourriture en un effort calculé pour infliger la famine aux tribus, qui cherchèrent refuge contre sa colère dans les marais". Les choses continuèrent ainsi, menant à l'adresse officielle hautement considérée d'Adams, qui approuvait l'agression délibérée de Jackson pour établir en Floride "la domination de cette république sur la base odieuse de la violence et du carnage".

Ce sont les mots de l'ambassadeur espagnol, "une description douloureusement précise," écrit Weeks. Adams "avait consciemment déformé, dissimulé et menti sur les buts et la conduite de la politique étrangère américaine tant au Congrès qu'au peuple," continue Weeks, violant massivement ses principes moraux proclamés, "défendant implicitement la déportation et l'esclavage des Indiens". Les crimes de Jackson et Adams "s'avérèrent un simple prélude à une deuxième guerre d'extermination contre (les Séminoles)," dans laquelle les survivants soit s'enfuirent à l'Ouest, pour profiter plus tard du même destin, "ou furent tués ou forcés de se refugier dans les marécages denses de la Floride". Aujourd'hui, conclut Weeks, "les Séminoles survivent dans la conscience nationale comme la mascotte de l'Université d'État de Floride" - un cas typique et instructif …

…La structure rhétorique repose sur trois piliers (Weeks) : "l'hypothèse de la vertu morale unique des Etats-Unis, l'affirmation de sa mission de racheter le monde" en étendant ses idéaux affichés et 'le mode de vie américain,' et la foi dans "le destin décrété par la volonté divine" de la nation. Le cadre théologique réduit la valeur du débat rationnel et limite les questions politiques à un choix entre le Bien et le Mal, réduisant ainsi la menace de la démocratie. Les critiques peuvent être balayées comme "anti-Américaines", un concept intéressant emprunté au lexique de totalitarisme. Et la population doit se blottir sous la protection de la puissance, dans la crainte que son mode de vie et son destin soient sous une menace imminente …


http://lanredec.free.fr/polis/20050716_tr.html 


 
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10 janvier 2011 1 10 /01 /janvier /2011 23:01
Armes silencieuses pour guerres tranquilles.

Il importe, devant l'afflux d'informations de toutes sortes dont nous sommes abreuvés quotidiennement, de se forger une grille de lecture pour garder une réflexion critique sur les discours officiels afin de ne  pas se soumettre à la seule pensée dominante. Je vous propose de vous inspirer du linguiste et philosophe, de sensibilité anarchiste, nord-américain Noam Chomsky, professeur au MIT, qui a élaboré une liste des « Dix Stratégies de Manipulation » à travers les média.

Lorsque vous faites un exercice de relecture des grands thèmes actuels dont on nous rabâche les oreilles ( l'Irak, le Moyen-Orient, les pensions, les roms, la délinquance, BHV, les people, la politique bling-bling, papa Daerden, TF1, les JT qui s'ouvrent sur des faits divers etc) , à la lumière de ces décodages, vous apercevez qu'une cohorte de journalistes et d'intellectuels asservis servent de prêtrise sécularisée aux dominants. 

Voici l'éventail des "armes silencieuses pour guerre tranquilles" comme Chomsky les qualifie 

1/ La stratégie de la distraction

Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles. «  Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser ; de retour à la ferme avec les autres animaux. »  

2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions

Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple : laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

3/ La stratégie de la dégradation

Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans.  Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

 4/ La stratégie du différé

Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. Cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

 5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge

 La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants. Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celle d’une personne de 12 ans ».

 6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion

Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

 7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise

Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures".  

8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité

Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…

 9/ Remplacer la révolte par la culpabilité

Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution !…

 10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes

Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

 Noam chomsky

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 23:37
أما في هذه الدنيا كريم
( المتنبي )
 
أمَا في هَذِهِ الدّنْيَا كَرِيمُ                   
                   تَزُولُ بِهِ عنِ القَلبِ الهُمومُ
أمَا في هَذِهِ الدّنْيَا مَكَانٌ                   
                   يُسَرّ بأهْلِهِ الجارُ المُقيمُ
تَشَابَهَتِ البَهَائِمُ وَالعِبِدّى                   
                   عَلَيْنَا وَالمَوَالي وَالصّميمُ
وَمَا أدري إذَا داءٌ حَديثٌ                   
                   أصَابَ النّاسَ أمْ داءٌ قَديمُ
حَصَلتُ بأرْضِ مِصرَ على عَبيدٍ                   
                   كَأنّ الحُرّ بَينَهُمُ يَتيمُ
كَأنّ الأسْوَدَ اللابيّ فيهِمْ                   
                   غُرَابٌ حَوْلَهُ رَخَمٌ وَبُومُ
أخَذْتُ بمَدْحِهِ فَرَأيْتُ لَهْواً                   
                   مَقَالي لِلأُحَيْمِقِ يا حَليمُ
وَلمّا أنْ هَجَوْتُ رَأيْتُ عِيّاً                   
                   مَقَاليَ لابنِ آوَى يا لَئِيمُ
فَهَلْ مِنْ عاذِرٍ في ذا وَفي ذا                   
                   فَمَدْفُوعٌ إلى السّقَمِ السّقيمُ
إذا أتَتِ الإسَاءَةُ مِنْ وَضِيعٍ                   
                   وَلم ألُمِ المُسِيءَ فَمَنْ ألُومُ

الشاعر الكبير ابو الطيب المتنبي


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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 21:23

 

En Iran, il y a des choses qui choquent les ONG pour la défense des droits des hommes ou des femmes, mais d’autres choses qui ne choquent personne, et quand le sujet est traité, les journalistes mettent un point d’honneur à minimiser leur gravité. Ainsi est traité le mariage temporaire (Sigheh) par l’agence américaine AP.



L’Associated Press écrit : « Le ministre de l’Intérieur iranien a déclenché une polémique dans son pays traditionnellement conservateur en apportant son soutien à l’idée de mariage provisoire pour tenter d’endiguer les pratiques sexuelles hors mariage, ont annoncé samedi les médias officiels ».

Il y a d’abord cette insistance américaine et même européenne à vouloir à tout prix confondre, la république islamique, c’est-à-dire le régime des mollahs, avec l’IRAN. Ceci est devenu la règle. D’emblée cette formule crée un lien entre le régime et le peuple. Ceci permet d’affirmer que le pays tout entier est traditionnellement conservateur. En deux phrases, le correspondant d’AP à Téhéran a réussi à faire passer la charia en vigueur en Iran pour une loi en conformité avec les attentes du peuple. Il faut tout de même être insensible à ces centaines de milliers d’iraniens qui choisissent l’exil et la misère de l’exil pour écrire une telle ineptie. Si on transposait cette réflexion sur les autres recommandations de la charia, tous les Iraniens approuveraient que l’on soit flagellé à mort pour avoir bu un verre.

En ce qui concerne le mariage provisoire, le journaliste de l’AP a tout simplement restitué le point de vue du régime qui annuellement fait fuir 500,000 personnes de leur propre pays, pousse 175,000 autres au suicide et des millions vers la toxicomanie et la prostitution. Ce dernier fléau est directement lié au mariage provisoire : un homme signe un contrat de mariage avec une femme ce qui l’autorise à coucher avec elle et de se séparer d’elle aussitôt qu’il le désirera. Cette pratique est une forme de prostitution. Dans un pays où l’âge légal du mariage est de 13 ans pour les filles, ceci est la porte ouverte à la pédophilie avec une autorisation religieuse et légale. Ce point crucial n’a pas été traité par le journaliste de l’AP dont l’article a été repris sur différents supports. Cet aspect de la charia perturbe les occidentaux qui préfèrent ne rien dire et détournent le regard.

Décodages | Article 1075 du Code Civil des mollahs : Le mariage temporaire (Sigheh) est légal pour une durée variant de une heure à quatre-vingt-dix-neuf ans. L’homme peut contracter autant de mariages temporaires simultanés qu’il le désire. Il peut cesser le contrat quand il le veut. La femme ne le peut pas.

L’article de l’AP ignore avec superbe le point de vue des femmes, à aucun moment l’illustre crétin qui a écrit ce papier n’a jugé nécessaire d’exposer le point de vue des femmes et pour cause, le taux de la participation des femmes dans le monde du travail sous le régime des mollahs est proche de nul : 1,7%. Les iraniennes sont dépendantes économiquement et leur seul moyen de subsister est d’être mariées. Celles qui ne le sont plus, après un divorce ou une répudiation, elles peuvent essayer de devenir des 2nde, troisième ou quatrième épouses, une sorte de bonne sans salaire qui est logée et maigrement nourrie. D’autres tombent dans le circuit du sigheh, mariage temporaire, si elles ont des attraits physiques. C’est une situation catastrophique et l’article d’AP n’en parle pas.

Le journaliste de l’AP n’expose que les points de vue des consommateurs mâles et fait la belle part à un mollah nommé ministre de l’intérieur connu pour sa cruauté et son implication dans la répression des opposants au début de la révolution islamique. Voici quelques extraits de cet article :

« Le mariage provisoire est une règle de Dieu. Nous devons l’encourager vigoureusement », a déclaré le ministre de l’Intérieur Mostafa Pourmohammadi, cité par la télévision d’Etat.

« Nous devons trouver une solution pour répondre au désir sexuel des jeunes qui ne peuvent pas se marier, a expliqué Pourmohammadi à plusieurs journaux locaux. La moitié des 70 millions d’Iraniens a moins de 30 ans.

Reza Carabi, un chauffeur de taxi de 23 ans exprime ainsi la frustration de beaucoup de jeunes Iraniens qui n’ont pas les moyens d’acheter une maison et de se marier.

« Je n’ai pas assez d’argent pour assumer une vie conjugale. Je ne veux pas fréquenter de prostituées. Que dois-je faire pour satisfaire mes besoins sexuels ? », demande-t-il.

Les opposants à la pratique du « mariage provisoire » craignent qu’elle n’entraîne une augmentation de la prostitution et une dégradation des valeurs morales.

 

« Ca va ébranler les fondements de la famille », a affirmé le juriste Nemat Ahmadi, arguant que cela donnerait aux hommes riches un alibi religieux pour avoir des liaisons. « ça va seulement promouvoir la prostitution », redoute-t-il.

Même quand l’article évoque la prostitution, il ne prend pas le soin d’expliquer l’étendue de la présence des prostituées dans les villes et y consacre un paragraphe très bref, où il est question de l’absence de statistiques officielles accessibles sur le nombre de prostituées en Iran.

Mais le plus grave est que l’article ne mentionne à aucun moment la place réservée à la femme dans le monde actif qui en a fait une assistée incapable de survivre sans le mariage ou le mariage temporaire. L’article évoque les difficultés des jeunes, mais il oublie également de préciser que seules les vierges trouvent un mari, il y a donc deux apartheids sexuels en Iran : le premier attribue un statut d’inférieur à la femme et la condamne à être un objet de plaisir, et le second crée deux catégories de femmes, les fraîches et les non fraîches qui ont encore moins de droits au pays des mollahs.

http://www.iran-resist.org/article3504.html

WWW.IR

 

 

 

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 21:15

« Dans quelques années, le gouvernement du Canada émettra-t-il des permis autorisant à vendre le corps et la sexualité humaine sous certaines conditions ? Créera-t-il un programme de subventions pour soutenir les bordels et le proxénétisme, maillon de l’économie qui lui échappe ?

« Et verrons-nous ce genre de petite annonce dans tous les journaux : " Proxénète offre emploi à jeunes et jolies filles. Âge maximum : 21 ans. Fonction : dispenser des services sexuels. Bonnes conditions : horaire de travail souple, taux horaire intéressant, protection, assurance, fonds de pension, etc... " ?

« Et des fonctionnaires de l’assurance emploi ou de la sécurité du revenu refuseront-ils des prestations à des jeunes femmes en chômage en invoquant des « débouchés » dans les bordels de la région, de la province, du pays, et même du monde, mobilité oblige ?

« Et la Cour suprême du Canada donnera-t-elle raison à un "employeur" qui veut obliger une femme ou un homme à se prostituer en alléguant que le client a le droit d’avoir des services ? »

Il s’en est trouvé, chez les chantres de la prostitution-métier-comme-un-autre, pour dire que j’étais démagogue, que j’exagérais, que cela ne se passait pas ainsi dans les pays qui avaient légalisé la prostitution, que je voulais "faire peur au monde" afin de servir ma cause ( la prostitution n’est pas un métier, mais un système d’exploitation et une institution patriarcale qui broie les femmes et est contraire aux droits humains). Bref, je fabulais et je manquais de mesure, selon certaines.

Eh bien, si la situation rapportée par The Telegraph est fidèle, ce serait déjà le cas en Allemagne.

Ce sera peut-être un jour le cas pour les femmes canadiennes si la prostitution est décriminalisée au Canada. Il serait peut-être temps de faire savoir qu’on ne veut pas cela ici. Après tout, c’est toute la société qui est concernée par la modification des lois dans ce domaine. Micheline Carrier

*****

"Si vous n’acceptez pas de vous prostituer, nous supprimerons vos allocations", par Clare Chapman

Une serveuse de 25 ans ayant refusé un emploi qui consistait à fournir des "services sexuels" dans un bordel de Berlin pourrait se voir refuser le versement de ses allocations de chômage à cause de lois votées cette année.

La prostitution a été légalisée en Allemagne, il y a un peu plus de deux ans, et les propriétaires de bordels - qui doivent payer des impôts et l’assurance santé à leurs employées - ont été autorisés à consulter les bases de données officielles de demandeurs d’emplois.

La serveuse, une professionnelle des technologies de l’information sans emploi, avait mentionné qu’elle était prête à travailler dans un bar de nuit et qu’elle avait déjà travaillé dans un café.

Elle a reçu une lettre de l’agence pour l’emploi lui disant qu’un employeur potentiel était intéressé par son "profil" et qu’elle devrait le contacter. Ce n’est que lorsque cette femme - dont l’identité n’a pas été révélée pour des raisons légales - a appelé l’employeur en question qu’elle a constaté qu’elle avait un directeur de bordel au bout du fil.

Depuis les réformes sociales en Allemagne, une femme de moins de 55 ans qui a été sans emploi depuis plus d’un an peut être forcée à prendre un poste vacant - y compris dans l’industrie du sexe - sous peine de perdre ses allocations de chômage. Le taux de chômage dans ce pays est en augmentation depuis onze mois et a atteint la barre des 4,5 millions le mois dernier, amenant le nombre de chômeuses et de chômeurs à son apogée, depuis la réunification en 1990.

Le gouvernement avait envisagé de placer les bordels en dehors des employeurs potentiels sur la base de considérations morales, mais il a finalement décidé qu’il serait trop difficile de les distinguer des bars. En conséquence, les agences pour l’emploi doivent traiter les employeurs à la recherche d’une prostituée de la même manière que ceux cherchant une infirmière dentaire.

Quand la serveuse a entamé une procédure judiciaire à l’encontre de l’agence pour l’emploi, elle s’est rendue compte que celle-ci n’avait pas enfreint la loi. Une agence qui ne pénalise pas les personnes qui refusent un emploi en leur supprimant leurs allocations peut faire face à des procès de la part de l’employeur potentiel.

"Il n’y a rien dans la loi qui empêche les femmes d’être envoyées dans l’industrie du sexe", nous dit Merchthild Garweg, une avocate de Hambourg spécialisée dans de telles affaires. "Le nouveau règlement établit que, désormais, il n’est plus immoral de travailler dans l’industrie du sexe, et en conséquence on ne peut plus refuser aucune offre sans prendre le risque de se voir supprimer ses allocations".

Mme Garweg explique que des femmes ayant travaillé auparavant dans des centres d’appels se sont vues proposer des postes pour des téléphones "roses". Dans une agence de la ville de Gotha, on a dit à une femme de 23 ans qu’elle devait se présenter à un entretien d’embauche pour "poser nue" et devrait ensuite revenir à l’agence pour faire un compte rendu de cet entretien. Les employeurs de l’industrie du sexe peuvent aussi poser leurs propres annonces dans les agences, une nouveauté entrée en vigueur ce mois-ci. Une agence qui refuse d’accepter l’annonce peut être poursuivie.

Tatiana Ulyanova, qui possède un bordel dans le centre de Berlin, a consulté la base de données de son agence locale afin de trouver de nouvelles recrues.

"Pourquoi ne pourrais-je pas chercher de nouvelles employées dans une agence pour l’emploi alors que je paie des impôts comme tout le monde ?" demande Mme Ulyanova.

Ulrich Kueperkoch voulait ouvrir un bordel à Goerlitz, dans l’ex-Allemagne de l’Est, mais l’agence locale retira son annonce demandant douze prostituées en affirmant qu’il lui serait impossible de les trouver.

M. Kueperkoch répondit alors qu’il était sûr de la demande pour un tel établissement dans la région, et qu’il envisageait de demander compensation auprès des plus hautes autorités. La prostitution a été légalisée en Allemagne, en 2002, par le gouvernement qui pensait ainsi mieux combattre le trafic de femmes et couper les liens avec les organisations criminelles.

Mme Garweg estime que les pressions sur les agences pour l’emploi afin qu’elles fournissent des "employées" auront bientôt pour effet de les pousser à supprimer les allocations de celles qui refuseront de se prostituer.

"Elles sont déjé préparées à orienter des femmes vers des emplois liés aux services sexuels, mais qui ne sont pas considérés comme de la prostitution", nous dit Mme Garweg.

"Maintenant que la prostitution n’est plus considérée par la loi comme immorale, il n’y a plus que la bonne volonté des agences qui peut les empêcher d’orienter les femmes vers des emplois qu’elles ne veulent pas prendre".

Source : The Telegraph, le 30 janvier 2005

Commentaire de Sisyphe

Selon certains sites spécialisés dans la recherche de « légendes urbaines », cette histoire pourrait en être une. Les femmes ne sont pas forcées (pas encore ?) de "travailler" dans la prostitution en Allemagne. Et c’est sous l’anonymat que le propriétaire de bordels avait placé son annonce dans la base de donnée - tous les moyens sont bons pour recruter -, mais le gouvernement affirme qu’elle a été retirée. (Cela me rappelle, dans un autre domaine, une lettre de l’ambassade d’Iran en France expédiée un peu avant Noël et qui affirmait que la lapidation pour des "délits sexuels" ne se pratiquait plus en Iran depuis bien des années...).

Tout à fait ou partiellement vraie, l’histoire rapportée par The Telegraph pourrait devenir un fait ordinaire et banal dans les pays qui légalisent ou décriminalisent la prostitution. En effet, si on estime que la prostitution (ou autre "travail du sexe") est un travail légal, si elle est reconnue un "métier comme un autre", qu’est-ce qui empêchera les "employeurs" d’invoquer cet argument pour recruter des prostituées et l’État de demander aux chômeuses d’accepter les emplois disponibles ?

Mis en ligne sur Sisyphe, le 21 février 2005.


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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 21:11

D’après une évaluation de la loi suédoise, le fait de criminaliser non la vente mais l’achat de “services sexuels” a été une grande réussite.

 

Il est rare que les universitaires s’entendent sur des sujets de recherche controversés, mais il semblerait qu’à l’heure actuelle la grande majorité des chercheurs britanniques qui étudient la prostitution et l’“industrie du sexe” soient du même avis. Dans ce domaine de recherche en pleine expansion, on peine à trouver une poignée de chercheurs qui s’écartent de l’opinion dominante, selon laquelle : 1) l’”industrie du sexe” devrait être légalisée ou décriminalisée ; et 2) la pénalisation des clients cause du tort à ceux et celles qui vendent des “services sexuels”. Les auteur-es de la plupart des études parues au cours des dernières années concluent que la prostitution cause peu de tort aux personnes qui s’y adonnent, en dépit des milliers de témoignages de survivant-es de ce métier empreint de violence.

Dans une lettre adressée à un journal en janvier 2006, Belinda Brooks-Gordon, conférencière en psychologie et en politique sociale à Birkbeck et fervente partisane de l’abrogation de toutes les lois sur la prostitution, réagissait au livre vert sur la prostitution préparé par le Home Office en 2004 et intitulé Paying the Price (Le prix à payer). Elle écrivait : « L’attention singulière que le gouvernement porte à la question fait abstraction des nombreuses études qui ont montré que la politique suédoise de criminaliser l’achat de “services sexuels” n’est pas progressiste mais plutôt rétrograde, dangereuse, inapplicable et coûteuse ».

Protestant contre l’entrée en vigueur récente au Royaume-Uni d’une loi criminalisant ceux qui paient pour des “services sexuels” fournis par une personne exploitée financièrement et contrôlée par quelqu’un d’autre, Douglas Fox, collaborateur de Cif, dont le conjoint possède une des plus grandes agences d’escortes du nord-est de l’Angleterre, semble justifier le proxénétisme :

« Les “travailleurs-euses du sexe” choisissent de s’associer à des agences ou à des bordels pour des raisons valables et légitimes. Ces intermédiaires leur offrent la sécurité, l’anonymat et la camaraderie. Si le gouvernement forçait tous les travailleurs du pays à œuvrer seuls et sans contact avec des collègues, cela serait perçu comme une atteinte aux droits de la personne ».

Thierry Schaffauser, un “travailleur du sexe” qui réclame la décriminalisation totale de l’“industrie du sexe”, abonde dans le même sens dans Cif : « La criminalisation des clients nous force à trouver des intermédiaires qui organisent les rencontres et prennent une commission sur nos gains ».

Teela Sanders, une autre universitaire pour qui la réglementation de la prostitution n’est ni souhaitable ni possible, commente ainsi les mesures qui criminalisent les clients : « En règlementant la moralité privée relativement à l’achat et à la vente légitimes de “services sexuels” consensuels, l’État cherche à contrôler la sexualité au lieu de protéger la diversité, le droit à la différence et la liberté ».

En 2007, une professeure d’université du nom de Julia O’Connell Davidson affirmait dans une lettre au Guardian qu’on avait exagéré le nombre de femmes victimes de trafiquants qui étaient entrées clandestinement au Royaume-Uni. Elle ajoutait en guise de conclusion : « Il ressort des données recueillies dans d’autres pays (dont la Suède) qu’une politique de répression, qu’elle ait pour pour cibles les clients ou les “travailleurs-euses du sexe”, peut avoir des conséquences préjudiciables aux personnes qui vendent des “services sexuels” ».

Je pourrais citer bien d’autres propos analogues car le modèle suédois est décrié et rejeté dans une foule d’articles, d’études et de commentaires signés par des universitaires britanniques. À leur avis, le fait de cibler l’acheteur de “services sexuels” cause automatiquement du tort aux femmes prostituées et ne présente aucun avantage pour la police ni pour la société. Toutefois, ces analyses, rapports et allégations sont le fait de personnes ayant un net parti pris sur la prostitution. Comme l’écrivait l’an dernier dans Cif Catherine Stephens, qui se décrit comme une dominatrix (dominatrice) (prostituée spécialisée dans la domination) : « Tout le monde a une opinion sur la prostitution ». Tous ceux et celles qui en vivent ou l’étudient ont une position sur cet important sujet. C’est pourquoi il est si frustrant de constater que tant d’universitaires se montrent sélectifs dans les données qu’ils et elles citent à l’appui de leur affirmation selon laquelle le modèle suédois serait désastreux. Pourtant, ces mêmes personnes accusent régulièrement les auteur-es d’études qui aboutissent à des conclusions différentes de manquer d’impartialité.

Un rapport confirme l’efficacité de la loi suédoise

Un rapport sur la situation en Suède, où l’achat de “services sexuels” est prohibé depuis 1999, (Förbud mot köp av sexuell tjänst : en utvärdering 1999-2008 Prohibition of the Purchase of a Sexual Service : an Evaluation 1999-2008)*, vient de paraître. Il évalue les retombées de la loi adoptée il y a onze ans, qui criminalise le fait de payer ou de tenter de payer pour des “services sexuels”. Ses auteur-es concluent que cette loi a eu des effets essentiellement favorables sur tous les intéressé-es (à l’exception, bien sûr, des proxénètes, des trafiquants et des clients). Espérons que cela fera taire ceux qui n’ont cessé de prétendre depuis dix ans que cette loi nuit aux personnes prostituées et à l’ensemble de la société.

Le rapport publié aujourd’hui (NDLR : 2 juillet 2010) fait suite à une évaluation approfondie de la loi suédoise, effectuée par une commission indépendante nommée par le gouvernement et présidée par le chancelier de justice (l’un des plus importants hauts fonctionnaires de l’État, en Suède). Il en ressort que la loi criminalisant la demande de “services sexuels” s’est avérée un franc succès. Le rapport conclut que, depuis l’entrée en vigueur de la loi en 1999, le nombre de prostituées de rue a diminué de moitié, alors que dans des pays voisins comme le Danemark et la Norvège, il a grimpé en flèche. De plus, rien n’indique que la prostitution exercée ailleurs que dans la rue se soit accrue. Enfin, même si la prostitution a sensiblement augmenté dans les pays voisins au cours des 10 dernières années, on ne note pas d’augmentation comparable en Suède.

Les annonces de services de prostitution sur Internet se sont multipliées en Suède comme ailleurs, ce qui, selon les auteurs du rapport, ne serait pas attribuable à la loi mais plutôt à l’évolution générale des technologies d’Internet. Là encore, on trouve beaucoup plus d’annonces publicitaires de ce genre dans les pays voisins de la Suède. La commission s’est aussi penchée sur les cas de contrainte et de mauvais traitements dans l’industrie et a conclu que, contrairement à l’avis de Schaffauser et d’autres, la criminalisation des clients ne pousse pas les femmes vers des proxénètes.

Après avoir entendu les témoignages de femmes prostituées et ex-prostituées, de travailleurs sociaux, de policiers et d’autres personnes directement concernées par la prostitution, la commission a conclu que la loi faisait obstacle à l’établissement de trafiquants et de proxénètes en Suède et qu’elle avait entraîné une diminution de la criminalité organisée.

Jouissant d’un fort appui dans la population suédoise, la loi a fait évoluer les mentalités et elle a un effet dissuasif sur les clients potentiels. D’après une étude, seulement 8 % des hommes suédois avaient payé pour des “services sexuels” en 2008, comparativement à 13,6 % avant l’entrée en vigueur de la loi.

Certain-es appréhendaient que la loi ne pousse les personnes prostituées vers la clandestinité, mais les données recueillies dans le cadre de l’évaluation n’ont pas du tout confirmé leurs craintes. La police et les procureurs, qui étaient assez réticents face à la loi au début, estiment à présent qu’elle a été bénéfique pour le pays et qu’elle a réduit l’activité criminelle. Fait important, comme on a décriminalisé la vente de “services sexuels” tout en criminalisant l’achat de tels services, il s’est avéré plus facile pour les femmes prostituées de quitter le milieu et de se prévaloir de l’aide offerte par d’autres projets.

Nul doute que les détracteurs de cette loi s’empresseront d’affirmer que les recherches sur lesquelles s’appuie cette évaluation étaient déficientes et entachées de parti pris. Toutefois, la commission a pris soin d’inclure les points de vue les plus divers, y compris ceux de militant-es pro-prostitution, dont Pye Jakobsson, qui travaille dans l’“industrie du sexe” en Suède depuis nombre d’années et qui a fait campagne contre la criminalisation des clients.

Pour nous, qui revendiquons l’interdiction totale de l’achat de “services sexuels” au Royaume-Uni ainsi que la décriminalisation des personnes qui vendent ces services, ce rapport sera un outil pour réfuter les arguments des partisans de la légalisation. Il incitera peut-être aussi quelques étudiants au doctorat à faire preuve d’esprit critique au lieu de suivre la ligne de pensée dominante dans le milieu universitaire, et à mener des recherches qui ne partiront pas du postulat que la solution consiste à légaliser cette vile industrie. C’est l’espoir qui m’anime.

* « Evaluation of the ban on the purchase of sexual services ».

- Pour les autres références, voir la version originale anglaise de ce texte.

Note de Sisyphe - Nous mettons les guillemets aux expressions "travailleurs ou travailleuses du sexe", "services sexuels", "industrie du sexe" pour indiquer que nous ne reconnaissons pas la prostitution comme un travail. Ces appellations banalisent et contribuent à faire accepter comme du travail ce qui est de l’exploitation.

Traduction pour Sisyphe : Marie Savoie

Source : "Legalising prostitution is not the answer", The Guardian, le 2 juillet 2010.

- La prostitution et la traite des êtres humains en Suède", Position officielle du Gouvernement de la Suède, par le Ministère de l’Industrie, de l’Emploi et des Communications de la Suède

Mis en ligne sur Sisyphe, le 26 septembre 2010

 



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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 21:03

La mainmise des intégristes islamiques sur une société peut se juger à la répression totale et absolue des droits et libertés des femmes. En Iran, les mollahs au pouvoir imposent depuis 25 ans aux femmes et aux filles des règles et des punitions humiliantes et sadiques. Ils les réduisent en esclavage dans un système d’apartheid sexuel qui entraîne pour les femmes la ségrégation, le port forcé du voile islamique, un statut de citoyennes de deuxième zone et des châtiments comme le fouet et la lapidation.

Suivant en cela un courant mondial, les intégristes ont trouvé une autre façon de déshumaniser les femmes et les filles : les acheter et les vendre à des fins de prostitution. Il est impossible de connaître avec précision le nombre des victimes, mais d’après une source officielle à Téhéran, le nombre d’adolescentes prostituées aurait fait un bond de 635 pour 100. Cette statistique stupéfiante donne une idée de la vitesse à laquelle cette forme de violence s’est répandue. Il y aurait à Téhéran quelque 84 000 femmes et jeunes filles prostituées ; beaucoup font le trottoir et les autres peuplent les 250 bordels de la ville. Le commerce des femmes a aussi une dimension internationale : des milliers d’Iraniennes mineures et adultes ont été vendues comme esclaves sexuelles à l’étranger.

Selon le chef d’Interpol à Téhéran, le trafic d’esclaves sexuelles est aujourd’hui une des activités les plus lucratives en Iran. Or, ce trafic criminel se fait au vu et au su des intégristes qui dirigent le pays, et avec leur participation. De haut fonctionnaires se livrent eux-mêmes à la vente, à l’achat et à l’exploitation sexuelle de femmes et de jeunes filles.

Beaucoup de ces jeunes filles sont originaires de régions rurales pauvres. La toxicomanie a atteint des proportions épidémiques en Iran, et certains parents vendent leurs enfants pour se payer de la drogue. Un fort taux de chômage (28 pour 100 chez les 15 à 29 ans et 43 pour 100 chez les jeunes femmes de 15 à 20 ans) incite les jeunes en quête de travail à accepter des offres d’emploi douteuses. Les trafiquants d’esclaves savent toujours profiter des situations où des femmes et des enfants sont vulnérables. Ainsi, après le récent tremblement de terre à Bam, des fillettes devenues orphelines ont été enlevées et transportées vers un marché d’esclaves connu de Téhéran, lieu de rencontre de trafiquants iraniens et étrangers.

Les pays arabes du Golfe persique sont des destinations privilégiées pour le trafic d’esclaves. Selon le directeur du système judiciaire provincial de Téhéran, les trafiquants cibleraient les adolescentes de 13 à 17 ans, mais d’après certaines sources, des fillettes de 8 ou 10 ans auraient aussi été envoyées à des pays arabes. Un réseau a été mis à jour après qu’une adolescente de 18 ans se fut échappée du sous-sol d’un immeuble où plusieurs jeunes filles étaient gardées captives en attendant d’être envoyées au Qatar, au Koweït et aux Émirats arabes unis. Le grand nombre de femmes et d’adolescentes iraniennes expulsées des pays du Golfe persique témoigne de l’ampleur de ce trafic. Lorsqu’elles sont rapatriées en Iran, les intégristes islamiques rejettent sur elles la faute des crimes dont elles ont été victimes et les condamnent souvent à la prison ou à des châtiments corporels. Elles sont soumises à un examen physique visant à déterminer si elles se sont livrées à des « activités immorales » et, selon les résultats, elles peuvent se voir interdire de sortir du pays.

La police a découvert plusieurs réseaux de prostitution et de trafic d’esclaves qui opéraient à Téhéran mais qui avaient aussi vendu des filles à des clients en France, en Grande-Bretagne et en Turquie. Un réseau basé en Turquie achetait des femmes et des adolescentes iraniennes qu’on avait fait entrer clandestinement au pays et, après les avoir munies de faux passeports, qu’on transportait vers des pays d’Europe et du Golfe persique. Ainsi, une adolescente de 16 ans a été emmenée en Turquie avant d’être vendue à un Européen de 58 ans pour 20 000 $.

Selon la police de la province de Khorasan, au nord-est de l’Iran, des filles de 12 à 20 ans seraient vendues comme esclaves sexuelles à des Pakistanais. Ces hommes les épouseraient pour ensuite les vendre à des bordels appelés « Kharabat » au Pakistan. On a découvert un réseau qui contactait les familles pauvres des alentours de Mashad et offrait de marier leurs filles. Les jeunes femmes étaient ensuite emmenées au Pakistan via l’Afghanistan pour y être vendues à des bordels.

Dans la province frontalière de Sistan Baluchestan, au sud-est du pays, des milliers de jeunes Iraniennes auraient été vendues à des hommes afghans. Leur destination finale est inconnue.

Le grand nombre d’adolescentes en fugue contribue également à l’augmentation de la prostitution et du trafic d’esclaves sexuelles en Iran. Ces jeunes femmes s’enfuient de chez elles pour échapper aux contraintes intégristes qu’on leur impose, aux mauvais traitements et à la toxicomanie de leurs parents. Malheureusement, ces jeunes fugueuses en quête de liberté se heurtent à de nouvelles violences et à l’exploitation : 90 pour 100 d’entre elles aboutissent dans le milieu de la prostitution. En raison du grand nombre d’adolescentes en fugue, on dénombre, seulement à Téhéran, quelque 25 000 enfants de la rue, dont la plupart sont des filles. Les jeunes de la rue, les fugueuses et les lycéennes vulnérables se retrouvent dans les parcs de la ville où elles sont des proies faciles pour les proxénètes. Ainsi, on a démasqué une femme qui vendait de jeunes Iraniennes à des hommes des pays du Golfe persique. Elle traquait les jeunes fugueuses depuis quatre ans et avait vendu sa propre fille pour 11 000 dollars US.

Comme l’Iran est gouverné par un régime totalitaire, les autorités sont au courant de la plupart des activités organisées. La mise à jour de réseaux d’esclavage sexuel dans ce pays a révélé l’implication de beaucoup de mollahs et de haut fonctionnaires dans l’exploitation sexuelle et le trafic de femmes et de jeunes filles. Selon certaines femmes, les juges auraient exigé qu’elles aient des rapports sexuels avec eux pour autoriser leur divorce. Des femmes arrêtées pour prostitution ont déclaré qu’elles avaient dû se soumettre à des rapports sexuels avec le policier ayant procédé à leur arrestation. On a signalé des cas où la police avait repéré des jeunes femmes à des fins sexuelles pour des mollahs riches et puissants.

Dans les villes, on a créé des refuges pour venir en aide aux jeunes en fugue. Les fonctionnaires qui les gèrent sont souvent corrompus et se servent des jeunes filles hébergées dans ces refuges pour alimenter des réseaux de prostitution. À Karaj, par exemple, l’ancien dirigeant du Tribunal révolutionnaire et sept autres haut fonctionnaires ont été arrêtés en relation avec un réseau de prostitution qui opérait avec des adolescentes de 12 à 18 ans provenant d’un refuge du nom de Centre d’orientation islamique.

Les cas de corruption de ce genre sont légion. Un juge de Karaj a été incriminé dans un réseau qui repérait des jeunes filles pour les vendre à l’étranger. Par ailleurs, en démantelant un réseau de prostitution à Qom, centre de la formation religieuse en Iran, on a constaté que certaines des personnes mises en arrestation travaillaient pour des organismes gouvernementaux, entre autres le ministère de la Justice.

Les intégristes au pouvoir n’ont pas tous la même position officielle sur le commerce sexuel : certains s’efforcent de le nier et de le dissimuler, tandis que d’autres préfèrent le reconnaître et le faciliter. En 2002, un journaliste de la BBC a été expulsé du pays pour avoir pris des clichés de femmes prostituées. Les fonctionnaires ont expliqué dans les termes suivants les raisons de leur décision : « Nous vous expulsons parce que vous avez photographié des prostituées. Ce n’est pas un reflet authentique de la vie dans notre république islamique. Il n’y a pas de prostituées en Iran. » Pourtant, plus tôt au cours de cette même année, des fonctionnaires de la Direction des programmes sociaux du Ministère de l’Intérieur avaient suggéré de légaliser la prostitution afin de l’encadrer et d’endiguer la propagation du VIH. Ils avaient proposé de créer des bordels sous le nom de « maisons de la moralité » et de faciliter la prostitution en recourant à la tradition religieuse du mariage temporaire, qui permet à un couple de se marier pour une brève période, parfois même une heure. L’idéologie et les méthodes des intégristes islamiques sont très souples lorsqu’il s’agit de dominer et d’exploiter les femmes.

A priori, on pourrait croire qu’une industrie du sexe florissante dans une théocratie où des religieux font fonction de proxénètes est une contradiction dans un pays fondé et dirigé par des intégristes islamiques. En fait, rien n’est plus faux. Premièrement, l’exploitation et la répression des femmes sont étroitement liées. L’une et l’autre existent là où les femmes, individuellement et collectivement, sont privées de liberté et de droits. Deuxièmement, les intégristes islamiques en Iran ne sont pas que des musulmans conservateurs. L’intégrisme islamique est un courant politique fondé sur une idéologie dans laquelle les femmes sont considérées comme des êtres intrinsèquement inférieurs sur le plan intellectuel et moral. Les intégristes détestent le corps et l’esprit des femmes. La vente de filles et de femmes à des fins de prostitution n’est qu’une mesure déshumanisante de plus à leur endroit, le complément de l’obligation qui leur est faite de se cacher les cheveux et le corps sous le tchador.

Dans une dictature religieuse comme l’Iran, on ne peut invoquer la loi pour défendre les droits des jeunes filles et des femmes. Celles-ci n’ont aucune garantie de liberté ou de droits et ne peuvent espérer être respectées ou traitées dignement par les intégristes islamiques. Seule la fin du régime iranien pourra les libérer de toutes les formes d’esclavage dont elles sont victimes.

L’auteure tient à remercier les militants qui luttent pour les droits de la personne et la démocratie en Iran de lui avoir transmis les renseignements qui lui ont permis d’écrire cet article. Si vous avez de l’information au sujet de la prostitution et de l’esclavage sexuel en Iran, veuillez communiquer avec elle : voir cette adresse.

Donna M. Hughes est professeure et titulaire de la Chaire Carlson en études féministes à l’Université du Rhode Island.

  • Version originale anglaise.
  • L’auteure a accordé à Sisyphe l’autorisation de traduire et de diffuser ce texte en français. Droits réservés pour la traduction française : Sisyphe
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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 20:55

Robert Baer, membre pendant vingt ans de la division des opérations clandestines de la CIA, a de la suite dans les idées. En 2003, il publiait un document intitulé « Or noir et Maison-Blanche », révélant que la bureaucratie de Washington cherchait davantage à se remplir les poches qu’à assurer la sécurité de ses concitoyens. En 2007, l’ancien espion sort son premier roman : « Et la maison s’envolera » (*). Le thème ? Des dignitaires américains seraient toujours en contact avec Oussama Ben Laden, ce qui leur permettrait de spéculer (et de s’enrichir) grâce aux attentats. Une bombe sur la plate-forme 4 de Ras Tanura en Arabie Saoudite et vos actions dans le pétrole prennent aussitôt l’ascenseur…

« Vous croyez que j’exagère ? Savez-vous comment nous surnommions Washington à l’intérieur de la CIA ? Nigeria-sur-Potomac. Nigeria, en référence à l’un des pays les plus corrompus de la planète, et Potomac, du nom de la rivière qui arrose la capitale américaine. La centrale américaine est malheureusement gangrenée par la corruption, en raison de ses liens trop étroits avec les grandes compagnies pétrolières », dénonce l’ancien espion, longtemps considéré « comme le meilleur homme de terrain du Moyen-Orient ». Robert Baer a passé deux décennies dans les endroits les plus exposés de la planète. Bien avant le 11 septembre 2001, au Liban, en Syrie ou en Irak, il a pu palper « la haine, une haine profonde, irréductible, pour les Etats-Unis », raconte-t-il. Ce qui lui a fait redouter, bien avant les autres, « une catastrophe imminente », qui ferait éclater « la bulle de l’innocence américaine ».

En février 2006, Robert Baer nous accordait une interview à l’occasion de la sortie à Paris du film « Syriana », inspiré de son livre « La chute de la CIA ». Aujourd’hui, il répond à nos questions pour la sortie en français de « Et la maison s’envolera ». Certes, il s’agit d’un “thriller“, mais l’ancien espion américain traite toujours du même sujet : les ambiguïtés américaines dans la lutte contre le terrorisme. Le livre raconte l’histoire d’une étrange photo, découverte dans les archives de la CIA. Oussama Ben Laden pose au milieu, entouré de quatre autres personnes, parmi elles, un Occidental dont la tête a été soigneusement découpée. Quel est ce mystérieux personnage si proche du fondateur d’Al-Qaïda ? Le cliché a été pris dans un jardin, à Peshawar, au Pakistan. Malheureusement, tous ceux qui s’intéressent à cette image finissent de mort violente. Max Weller, le héros, agent chevronné de la CIA, est lui-même suspendu de ses fonctions. Il finit malgré tout par découvrir l’horrible vérité : des agents secrets américains n’ont pas coupé les ponts avec Oussama Ben Laden. Ils engrangent des millions de dollars en spéculant sur les attentats. Il s’agit bien évidemment d’un roman. Mais Robert Baer continue d’appuyer où cela fait mal : l’incompétence et la malhonnêteté du pouvoir américain.

Ne noircissez-vous pas exagérément la CIA ?

Pendant longtemps j’ai été innocent et je croyais ce que disait la CIA. J’en étais le responsable en Irak du Nord, dans le Kurdistan. Je savais qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive. Washington savait pertinemment que Bagdad ne représentait pas une menace pour elle. Cela ne l’a pas empêché de partir en guerre contre ce pays, de l’envahir, de le détruire, de provoquer la mort de milliers de personnes innocentes.

Un reportage réalisé par des journalistes français en Afghanistan affirme qu’à deux reprises des soldats français auraient pu tuer ou capturer Oussama Ben Laden, mais que le commandement américain les en aurait empêché. Est-ce possible ?

Oui. La CIA a eu elle aussi plusieurs occasions d’éliminer Oussama Ben Laden. Elle ne l’a pas fait car les Etats-Unis ont tout intérêt à le conserver vivant. Al-Qaïda va être enrôlée, aux côtés de l’Arabie saoudite, dans la prochaine guerre que l’Amérique compte déclencher contre l’Iran.

Dans votre roman, l’argent amassé par un espion américain corrompu passe par Genève. Cela ne fait-il pas un peu trop cliché ? Dubaï, Nicosie ou Nassau ne sont-ils pas des paradis fiscaux plus efficaces pour blanchir de l’argent ?

C’est vrai, mais je constate que les personnes corrompues liées à la CIA continuent d’utiliser les banques suisses et des avocats d’affaires suisses. Les Etats-Unis accordent une très grande importance à Genève, siège européen des Nations Unies. Il suffit de voir la taille de leur ambassade et de comptabiliser leurs effectifs. N’oubliez pas que le pétrole est le nerf de la guerre. En laissant traîner ses oreilles dans les palaces au bord du lac Léman, fréquentés par les princes et les hommes d’affaires du Golfe, on y apprend plus de secrets sur le Moyen-Orient que dans la plaine de la Bekaa.

Où avez-vous appris le français ?

J’avais 9 ans quand ma mère a divorcé. Nous avons quitté la Californie pour vivre quelque temps en Suisse. Depuis, je me débrouille à la fois en allemand et en français. De plus, j’ai une maison à Nuits-Saint-Georges, en Bourgogne, pas très loin de Beaune, entourée d’un hectare de vigne.

Que faites-vous aujourd’hui ?

J’écris de temps en temps pour « Time Magazine » et « Vanity Fair », je collabore à la chaîne britannique Channel Four. Pour mon deuxième roman, je m’inspire d’une histoire vraie : le meurtre de toute une famille de Russes en France dans les années 90.

(*) « … ET la maison s’envolera », Robert Baer, JC Lattès, 326 pages.

Propos recueillis par Ian Hamel

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Published by aminajournal.over-blog.com