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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:42

Monsieur Chomsky, on a souvent dit avant les soulèvements qui viennent de se produire dans le monde arabe qu’il était impossible d’y établir des structures démocratiques. À votre avis, les derniers développements apportent-ils un démenti à cette thèse ?

Noam Chomsky : Cette thèse n’a jamais eu de fondement. Le monde musulman a une vieille tradition démocratique. Mais les puissances occidentales ont toujours veillé à l’anéantir. En 1953 l’Iran était une démocratie parlementaire, les USA et la Grande-Bretagne ont renversé le gouvernement. En 1958 il y a eu une révolution en Irak, nous ne savons pas comment la situation aurait évolué, mais cela aurait pu conduire à l’établissement de structures démocratiques.

Mais les USA ont organisé un véritable coup d’État. En effet, le Président Eisenhower a parlé en 1958, lors de débats internes récemment déclassifiés, d’une campagne de haine à notre encontre dans le monde arabe – non pas du fait des gouvernements, mais des populations.

L’État-major suprême du Conseil national de sécurité a rédigé un mémorandum en ce sens; il est aujourd’hui accessible sur Internet. Vous disiez qu’aux yeux du monde arabe les USA bloquaient son développement ainsi que sa démocratisation et soutenaient des dictateurs brutaux afin de pouvoir contrôler leur pétrole. Le mémorandum prouve que c’est plus ou moins vrai et que c’est justement ce que nous avons fait par la suite.
mossadegh usa
De faux amis : Le Premier Ministre iranien Mossadegh en visite aux USA en 1951,
deux ans avant le putsch organisé par la CIA pour le renverser au profit du Shah.

Cela signifie que les démocraties occidentales ont empêché le monde arabe d’établir des démocraties ?

Chomsky : Je n’entrerai pas dans les détails, mais oui, c’est ce qui s’est passé jusqu’à maintenant. Les soulèvements démocratiques se succèdent, ils sont écrasés par les dictateurs que nous – en particulier les USA, la Grande-Bretagne et la France – soutenons. Il ne peut se créer de démocraties, si l’on brise toutes les tentatives d’en établir une. On pourrait en dire autant de l’Amérique latine: une longue série de dictateurs sanguinaires. Tant que l’hémisphère Sud sera sous le contrôle des USA, qui ont pris la succession de l‘Europe, il n’y aura pas de démocratie, car elle sera anéantie.

Alors le printemps arabe ne vous a pas du tout surpris ?

Chomsky : Je ne peux pas dire que je m’y attendais vraiment. Mais ces soulèvements ne sont pas sortis de rien. Prenons l’exemple de l’Égypte. Vous verrez que les jeunes qui ont organisé les manifestations du 25 janvier se donnent le nom de «Mouvement du 6 avril». Il y a une raison à cela: le 6 avril 2008 a marqué le lancement d’un important mouvement ouvrier à l’usine textile de Mahalla Al Koubre. Des grèves, des manifestations de soutien dans tout le pays, etc. Mais tout cela a été écrasé par le régime. L’Occident n’a accordé aucune importance à ces faits. Tant que les dictateurs contrôlent leur peuple, cela ne nous concerne pas, n’est-il pas vrai ? Mais les Égyptiens, eux, n’ont pas oublié.

En outre, les évènements de Mahalla ont inauguré une longue série de grèves militantes, dont certaines ont été victorieuses. On trouve déjà quelques bonnes études à ce sujet. Joel Beinin, de l’Université de Stanford, a rédigé plusieurs travaux sur le mouvement ouvrier égyptien. Dans ses derniers articles, mais aussi dans d’autres plus anciens, il aborde l’histoire des luttes ouvrières et le combat pour la démocratie en Égypte.

Mahalla

“Les efforts pour créer la démocratie” :
Le 6 avril 2008, la ville industrielle de Mahalla Al Koubra, au Nord de l’Égypte,
qui abrite la plus grande usine textile du pays, a été le théâtre d’un vaste mouvement de contestation ouvrière contre la hausse des denrées alimentaires et la baisse des salaires. Les grèves sont illégales en Egypte, et les protestations ont finalement été écrasées.

George W. Bush, le prédécesseur d’Obama, a prétendu que sa politique du « Nouveau Moyen-Orient » lui permettrait, par un effet domino, d’instaurer la démocratie dans la région. Existe-t-il une relation entre les révoltes actuelles et la politique de Bush ?

Chomsky : L’effet domino était le point central de la guerre froide : Cuba, le Brésil, le Vietnam… Henry Kissinger le comparait même à un virus capable d’infecter des régions entières. Lorsque Nixon et lui-même ont planifié la chute d’Allende, démocratiquement élu au Chili – aujourd’hui nous en avons toutes les preuves – Kissinger a explicitement déclaré que le virus chilien pouvait agir même sur des États de la lointaine Europe. En définitive son opinion ne différait pas de celle de Brejnev. Tous deux redoutaient la démocratie. Et Kissinger disait que ce virus devait être éradiqué. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait.

Aujourd’hui il en va à peu près de même. Bush aussi bien qu’Obama ont une peur bleue du printemps arabe. La raison en est évidente : ils n’ont aucun intérêt à l’établissement de démocraties dans le monde arabe, car si l’opinion publique arabe avait de l’influence sur la politique de ces pays, les USA seraient chassés de la région. C’est pourquoi ils ont une peur panique de voir s’y établir des démocraties.

Puisque nous parlons d’influence : le célèbre correspondant britannique au Moyen-Orient, Robert Fisk, a écrit récemment que la politique d’Obama dans la région était sans importance…

Chomsky : J’ai lu cet article, il est excellent. Robert Fisk est un journaliste remarquable et il connaît très bien la région. Selon moi, il voulait dire que le mouvement du 6 avril n’accorde plus aucune attention aux USA. Ils les ont complètement laissés tomber. Ils savent que les USA sont leur ennemi. Un sondage a révélé que 90% des Égyptiens voient dans les USA la principale menace pour leur pays. En ce sens les USA ne sont sûrement pas « sans importance ». Ils sont tout simplement trop puissants; je suis sûr que Fisk serait d’accord là-dessus.

On fait parfois aux intellectuels arabes le reproche d’avoir longtemps été trop passifs et trop silencieux. Quel rôle devraient-ils jouer aujourd’hui ?

Chomsky : Les intellectuels ont une responsabilité particulière. Nous les appelons « intellectuels», non parce qu’ils sont plus malins que les autres, mais parce que ce sont des privilégiés. Et si l’on est un privilégié, qu’on jouit d’un statut particulier et que l’on sait s’exprimer, on doit tout simplement assumer davantage de responsabilités.

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:38

Alors que Noam Chomsky n’était pas revenu en France depuis près de 30 ans lors de sa conférence à Paris de mai 2010, il aura à peine fallu 12 mois pour qu’il revienne, cette fois à Uzès, et assiste à la projection de l’excellent film de Daniel Mermet, Chomsky & Compagnie. Sa conférence avait pour thème : “Futurs proches, liberté, indépendance et impérialisme au XXIe siècle”

Voici les vidéos de sa conférence du 10 juin 2011 :

Conférence de Noam Chomsky (53 min.)
“Futurs proches, liberté, indépendance et impérialisme au XXIe siècle”

Réponse : Les États-Unis et Israël (21 min.)

Réponse : Internet et Wikileaks face à la démocratie (9 min.)

Réponse : L’espoir d’Obama (12 min.)

Source : Les Mutins de Pangée



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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:36

La capitulation pathétique de Washington devant Israël alors qu’il le suppliait de geler l’extension coloniale de trois mois insignifiants (à l’exclusion de la région arabe de Jérusalem-Est) devrait être considérée comme les instants les plus humiliants de l’histoire de la diplomatie américaine.

En septembre se termina le dernier gel des colonies, ce qui eut pour conséquence un arrêt des discussions avec Israël de la part des Palestiniens. Maintenant, l’administration Obama, prête à tout pour attirer Israël vers un nouveau gel et ainsi raviver les discussions, s’accroche à ce qu’elle peut, et prodigue des présents à un gouvernement israélien d’extrême droite.

Parmi les cadeaux, il y a 3 milliards de dollars pour des avions de combat. Cette générosité se trouve aussi être un nouveau don du contribuable à l’industrie américaine de l’armement, qui est deux fois gagnante avec des programmes du développement de la militarisation du Moyen-Orient.

Les fabricants d’armes américains ne sont pas seulement subventionnés pour développer et produire des équipements avancés pour un Etat qui fait pratiquement partie du service de renseignements militaires américain, mais aussi pour fournir des équipements militaires de qualité inférieure aux Etats du Golfe – avec actuellement une vente d’armes record de 60 milliards de dollars à l’Arabie Saoudite, ce qui est une transaction qui recycle aussi des pétrodollars pour une économie américaine en difficulté.

Les industries civiles israéliennes et américaines de haute technologie sont très liées. Il n’est que peu étrange que le soutien le plus fervent des actions israéliennes provienne de la presse d’affaires et du Parti républicain, le plus extrême des partis politiques orientés vers les affaires. Le prétexte pour l’énorme vente d’armes à l’Arabie Saoudite est la défense face à la « menace iranienne ».

Cependant, la menace iranienne n’est pas militaire, comme le Pentagone et les renseignements américains l’ont souligné. Si l’Iran venait à développer une capacité nucléaire militaire, l’objectif serait dissuasif, sans doute pour parer une attaque américano-israélienne.

La vraie menace, de l’avis de Washington, est que l’Iran cherche à étendre son influence dans les pays voisins « stabilisés » par l’invasion et l’occupation des Etats-Unis.

La ligne officielle est que les Etats arabes demandent une aide militaire américaine pour se défendre contre l’Iran. Vrai ou faux, l’affirmation offre un aperçu intéressant sur le concept de démocratie régnant. Quelle que soit la préférence des dictatures, les Arabes, dans un récent sondage de Brookings, classèrent ainsi les menaces majeures pour la région : Israël (88 pour cent), les Etats-Unis (77 pour cent) et l’Iran (10 pour cent).

Il est fort intéressant de remarque que les officiels américains, comme révélé dans les câbles qui viennent d’être diffusés par WikiLeaks, ignorèrent totalement l’opinion publique arabe et se tinrent à l’avis des dictateurs en place.

Les cadeaux américains pour Israël comportent aussi le soutien diplomatique, selon de présents rapports. Washington s’engage à opposer son veto à toute action du Conseil de Sécurité de l’ONU qui pourrait gêner les dirigeants d’Israël et à abandonner tout appel à un autre prolongement du gel des colonies.

Par conséquent, en acceptant la pause de trois mois, Israël ne sera plus dérangé par le trésorier alors qu’il étend ses actions criminelles dans les territoires occupés.

Que ces actions soient criminelles n’est pas mis en doute depuis fin 1967, lorsque l’éminente autorité légale d’Israël et juriste international Theodor Meron conseilla le gouvernement en disant que ses projets commencés de colonies dans les territoires occupés violaient la quatrième Convention de Genève, un principe central du droit humanitaire international, mis en place en 1949 pour condamner les horreurs du régime nazi.

La conclusion de Meron fut approuvée par le ministre de la justice Ya’akov Shimson SHapira, et peu de temps après, par le ministre de la défense Moshe Dayan, écrit l’historien Gershom GOrenberg dans “The Accidental Empire”.

Dayan informa les autres ministres : « Nous devons consolider notre emprise afin qu’avec le temps, nous réussissions à “absorber” la Judée et la Samarie (la Cisjordanie) et à les fusionner avec le “petit” Israël », tout en « démembr[ant] la contiguïté territoriale » de la Cisjordanie, tout cela en prétendant comme à l’ordinaire « que la mesure est nécessaire pour des objectifs militaires ».

Dayan n’avait pas de doute, ni de scrupule, au sujet de ce qu’il recommandait : « Installer des Israéliens dans les territoires occupés est contraire, comme on le sait, aux conventions internationales, observa-t-il. Mais il n’y a finalement rien de nouveau là-dedans ».

L’idée correcte de Dayan était que le chef à Washington pouvait s’opposer officiellement, mais avec un clin d’œil, et continuerait à fournir le soutien militaire, économique et diplomatique crucial pour les actions criminelles.

Le caractère criminel a été souligné par plusieurs résolutions du Conseil de Sécurité, et récemment par la Cour internationale de justice, avec l’accord essentiel du juge américain Thomas Buergenthal dans une déclaration séparée. Les actions d’Israël violent aussi les résolutions du Conseil de Sécurité concernant Jérusalem. Mais tout va bien tant que Washington cligne de l’œil.

A nouveau à Wasington, les super va-t’en-guerre républicains sont même plus fervents dans leur soutien aux crimes israéliens. Eric Cantor, le nouveau leader de la majorité dans la Chambre des représentants, « a lancé une nouvelle solution pour protéger l’aide apportée à Israël contre la récente réaction violente à l’aide aux pays étrangers, rapporte Glenn Kessler dans The Washington Post, donnant à l’Etat juif son propre compte de financement, l’écartant ainsi des fonds pour le reste du monde ».

La question de l’extension coloniale n’est là que pour faire diversion. La vraie question est l’existence des colonies et les développements de leur infrastructure. Tout cela a soigneusement été planifié pour parvenir à la situation actuelle, avec Israël ayant déjà contrôlé plus de 40 pour cent de la Cisjordanie occupée, dont des quartiers de Jérusalem et Tel Aviv, la terre arabe, et les principales sources d’eau de la région, toutes du côté israélien du mur de séparation, qui est en réalité un mur d’annexion.

Depuis 1967, Israël a largement étendu les frontières de Jérusalem, ceci en violation des ordres du Conseil de Sécurité et en dépit de l’objection internationale unanime (dont les Etats-Unis, au moins officiellement).

La focalisation sur l’extension coloniale et les hésitations de Washington ne sont pas les seuls éléments de la farce des actuelles négociations. La structure même est une comédie. Les Etats-Unis sont décrits comme d’« honnêtes médiateurs » cherchant à servir d’intermédiaire entre deux adversaires récalcitrants. Mais s’il devait y avoir des négociations sérieuses, elles seraient conduites par une partie neutre, avec les Etats-Unis et Israël d’un côté, et le monde de l’autre.

Il n’est plus vraiment un secret que pendant 35 ans, les Etats-Unis et Israël se sont tenus quasiment seuls en opposition à un consensus sur une résolution politique qui est presque acceptée par tout le monde, dont les Etats arabes, l’Organisation de la conférence islamique (dont l’Iran) et toutes les autres parties concernées.

Dans des infractions spéciales et brèves, les deux Etats réjectionnistes ont préféré une extension illégale à la sécurité. A moins que la position de Washington ne change, la voie est coupée devant une résolution politique. Et l’extension, avec ses réverbérations à travers la région et le monde, continue.

© Noam Chomsky


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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:14

En mai, lors d’une réunion à huis-clos de nombreux chefs d’entreprise israéliens, Idan Ofer, de la société Tycoon, a déclaré : « Nous sommes en train de devenir l’Afrique du Sud . L’impact économique des sanctions seront ressenti par toutes les familles en Israël.”

La principale préoccupation des magnats des affaires est la session de l’Assemblée générale des Nations Unies de septembre prochain où l’Autorité palestinienne veut faire voter une proposition reconnaissant l’Etat palestinien.

Gilleman Dan, ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU, a averti les participants que « le matin après le préavis de reconnaissance de l’Etat palestinien, une douloureuse et dramatique sud-africanisation commencera”, ce qui signifierait qu’Israël se transformerait en un Etat paria devant faire à des sanctions internationales.

Dans la réunion et les suivantess, les oligarques ont exhorté le gouvernement de faire des propositions et des efforts sur le modèle de la Ligue arabe et de l’accord officieux de Genève de 2003, dans lequel des négociateurs israéliens et palestiniens de haut d’un accord détaillé de deux Etats a été accueilli par la plupart des pays, gouverné par Israël et ignorée par Washington.

En mars, le ministre de la défense israélien Ehud Barak a averti que la possible action de l’ONU serait un « tsunami ». La crainte, c’est que le monde condamne Israël pour avoir violé, non seulement le droit international, mais de commettre des actes criminels dans un État occupé reconnu par l’ONU.

Les États-Unis et Israël mènent campagne diplomatique intense pour contrer ce tsunami. Si ils échouent, la reconnaissance d’un Etat palestinien est probable.

Plus de 100 Etats ont déjà reconnu la Palestine. Le Royaume-Uni, la France et les autres nations européennes ont élevé le statut général de la délégation palestinienne à celle de “missions diplomatiques et d’ambassades”, le statut normalement réservé aux Etats », explique Victor Kattan de l’American Journal of International Law.

La Palestine a également été admis dans des organisations des Nations Unies en dehors de l’Unesco et l’Organisation mondiale de la Santé, qui ont évité de prendre cette décision de peur de perdre du financement des États-Unis, ce qui n’est pas une menace en l’air.

En juin, le Sénat américain a adopté une résolution menaçant de suspendre l’aide à l’Autorité palestinienne si elle persiste dans son initiative à l’ONU. Susan Rice, l’ambassadrice américaine auprès des Nations Unies a prévenu qu ’« il ya une plus grande menace » pour le financement américain des Nations Unies » si la perspective d’un Etat palestinien est soutenu par les Etats membres”, rapporte le Daily Telegraph (Londres ). Le nouvel ambassadeur d’Israël à l’ONU, Ron Prosor, la presse israélienne a rapporté que la reconnaissance de l’ONU “conduirait à la violence et à la guerre.”

L’ONU reconnaîtra vraisemblablement la Palestine dans les frontières internationalement reconnues, y compris le plateau du Golan, la Cisjordanie et Gaza. Les hauteurs du Golan ont été annexées par Israël en Décembre 1981, en violation des ordres du Conseil général de la Sécurité de l’ONU.

En Cisjordanie, les colonies israéliennes et les initiataives por les soutenir constituent clairement une violation du droit international, selon la Cour mondiale et le Conseil de sécurité. En février 2006, les États-Unis et Israël ont imposé un blocus à Gaza après le “mauvais côté”, le Hamas ait remporté les élections palestiniennes, reconnues comme libres et équitables. Le situation est devenue beaucoup plus difficile en juin 2007 après un coup d’Etat militaire manqué soutenu par les Etats-Unis pour renverser le gouvernement élu.

En juin 2010, le siège de Gaza a fait l’objet d’une condamnation du Comité international de la Croix-Rouge qui fait rarement de tels rapports, comme étant “une punition collective en violation flagrante » du droit international humanitaire. La BBC a rapporté que le CICR « dresse un portrait de la difficile situation des hôpitaux de Gaza à court d’équipement, des coupures de courant pendant plusieurs heures chaque jour, de l’eau impropre à la consommation humaine » et, bien sûr, du blocus qui constitue un véritablement emprisonnement de la population .

La situation comprend la politique criminelle des Etats-Unis et d’Israël imposant depuis 1991 la séparation de Gaza de la Cisjordanie, veillant à ce que l’Etat palestinien soit, en fait, entouré de puissances hostiles : Israël et la dictature jordanienne. Les Accords d’Oslo signés par Israël et l’Organisation pour la Libération de la Palestine en 1993, interdisent pourtant de séparer Gaza de la Cisjordanie.

Une menace plus immédiate pour la politique américaine et israélienne est flottille qui essaie de défier le blocus de Gaza avec des lettres et de l’aide humanitaire. En mai 2010, la dernière de ces tentatives ont conduit à une attaque par des commandos israéliens dans les eaux internationales, un acte criminel grave en lui-même, au cours duquel neuf passagers ont été tués, et qui a été sévèrement condamné en dehors des États-Unis.

En Israël, la plupart des gens sont convaincus que les commandos ont été les victimes innocentes, attaquées par les passagers, ce qui est un autre signe de l’irrationalité autodestructrice qui empoisonne la société.

Aujourd’hui, l’UE et Israël tentent activement de bloquer la flottille, le secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a quasiment autorisé l’utilisation de la violence, soulignant que “les Israéliens ont le droit de se défendre si les flottes tentent de provoquer une action pour entrer dans les eaux israéliennes” , ou dans les eaux de Gaza, comme si la bande de Gaza appartenaient à Israël.

La Grèce a accepté d’empêcher que les bateaux quittent leurs ports (ie, les bateaux qui n’ont pas été encore sabotés), mais contrairement à Clinton, la Grèce a reconnu une “zone maritime de appartenant à Gaza.”

En Janvier 2009, la Grèce s’était distingué en refusant de permettre que des armes américaines soient expédiées par voie maritime vers Israël à partir des ports grecs pendant l’attaque cruelle États-Unis et d’Israël contre la bande de Gaza. La Grèce, qui n’est plus un pays indépendant compte tenu de sa crise financière actuelle ne peut évidemment pas se permettre cette intégrité inhabituelle.

Prié de dire si la flotte était une « provocation », Chris Gunness, porte-parole de l’Agence de secours et de travaux de l’ONU pour Gaza, décrit la situation comme désespérée. « S’il y avait une crise humanitaire, s’il n’y avait pas une crise dans presque tous les aspects de la vie à Gaza, il n’y aurait pas besoin de la flotte … 95 pour cent de l’eau de Gaza n’est pas potable, 40 pour cent des maladies sont transmises par l’eau … 45,2 pour cent de la population active est au chômage, 80 pour cent de la population doit compter sur l’aide, et le nombre de pauvres a triplé depuis le début du blocus. Retirer ce blocus et on n’aura pas besoin d’une flottille. ”

Les initiatives diplomatiques comme la stratégie de l’Etat palestinien, en général, comme les actions non-violentes, menacent ceux qui ont un quasi-monopole de la violence. Les États-Unis et Israël cherchent à maintenir des positions indéfendables : l’occupation et la rupture d’un consensus écrasant en faveur d’un règlement diplomatique

© Noam Chomsky


Traduit par PG

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:11

Pendant qu’il est engagé à corps perdu dans l’expansion illégale des colonies, le gouvernement d’Israël cherche à faire face à deux problèmes : d’abord, une campagne globale qui est perçue comme une « dé-légitimation » car elle dénonce ses crimes et engage à ne pas y participer ; et parallèlement une campagne pour la reconnaissance de la Palestine.

La « dé-légitimation », qui progresse rapidement, se traduit ainsi aux Etats-Unis par un appel lancé en décembre par Human Rights Watch. Il demande de « suspendre le financement qui est fait à Israël d’un montant équivalent à ce que cet état dépense pour ses colonies ». Mais également de surveiller les fonds attribués à Israël qui proviennent d’organisations américaines exemptées d’impôts et qui violent la loi internationale. Ces subventions devraient désormais être conditionnées par des « interdictions contre la discrimination ».

Amnesty International avait déjà exigé l’embargo des armes contre Israël.

Le processus de légitimation s’est renforcé en décembre dernier quand l’Argentine, la Bolivie et le Brésil ont reconnu la Palestine (Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem est) en tant qu’ Etat.

L’avocat de droit international John Whitbeck estime que 80 à 90 % de la population mondiale vit dans des Etats qui reconnaissent la Palestine, tandis que 10 à 20 % reconnaissent la République de Kosovo. Les Etats- Unis reconnaissent le Kosovo mais pas la Palestine. Par conséquent, comme Whitbeck l’écrit dans Counterpunch, les médias « agissent comme si l’indépendance du Kosovo était un fait accompli, tandis que l’indépendance de la Palestine reste seulement une aspiration qui ne sera jamais réalisée sans le consentement israélo-américain », ce qui reflète le fonctionnement habituel du pouvoir dans l’arène internationale.

Etant donné l’échelle de la colonisation israélienne en Cisjordanie, depuis plus de 10 ans, on affirme que le consensus international sur la solution de deux états est mort, ou erroné, (bien qu’une grande partie du monde ne soit pas d’accord). Donc ceux qui sont concernés par les droits des Palestiniens devraient exiger le contrôle total de la Cisjordanie toute entière par Israël, accompagné d’une lutte anti-apartheid comme celle d’Afrique du Sud qui conduirait à la pleine citoyenneté de la population arabe dans ce pays.

Cette idée suppose qu’Israël serait d’accord pour prendre cette responsabilité. C’est plus probable qu’Israël continuera, au lieu de cela, son programme d’annexion de la Cisjordanie, en escomptant s’emparer de la moitié de celle-ci, et ne prendra aucune responsabilité pour le reste, se défendant ainsi du « problème démographique » -trop de non-juifs dans un état juif- en continuant à couper Gaza assiégée du reste de la Palestine.

Une analogie entre Israël et l’Afrique du Sud mérite attention. Une fois que l’apartheid a été instauré, les nationalistes sud africains ont compris qu’ils devenaient des parias dans le monde. En 1958, cependant, le Ministre des affaires étrangères a informé l’ambassadeur des Etats-Unis que les condamnations des Nations Unies et toutes les autres protestations ne les préoccupaient pas, tant que l’Afrique du Sud continuait à être soutenue par l’hégémonie globale –les Etats-Unis. Dans les années 70, les Nations Unies ont déclaré l’embargo sur les armes, suivi peu après par des campagnes de boycott et de désinvestissement. L’Afrique du Sud a réagi de telle sorte qu’elle a rendu furieuse l’opinion internationale. Dans un geste de mépris pour les Nations Unies et le Président Jimmy Carter –qui n’a pas réagi afin de ne pas interrompre les négociations inutiles- l’Afrique du Sud a déclenché un raid meurtrier sur le camp des réfugiés de Cassinga en Angola, juste au moment où le « groupe de contact » conduit par Carter devait présenter une solution pour la Namibie. La similitude avec le comportement d’Israël aujourd’hui est frappante –par exemple l’attaque sur Gaza en janvier 2009, et sur la Flottille pour la Liberté de Gaza en mai 2010.

Quand le président Reagan a pris le pouvoir en 1981, il a donné tout son soutien aux crimes de l’Afrique du Sud sur son territoire et aux nombreux crimes commis dans les pays voisins. Les politiques étaient justifiées dans le cadre d’une guerre contre la terreur que Reagan avait déclaré en prenant le pouvoir. En 1988, le Congrès National Africain de Nelson Mandela a été désigné comme l’un des « groupes terroristes les plus célèbres » (Mandela lui-même n’a été enlevé de la « liste de terroristes » à Washington qu’en 2008). L’Afrique du Sud était provocatrice et même triomphante, avec tous ses ennemis internes écrasés, et jouissant d’un soutien solide d’un état qui pesait à l’échelle mondiale.

Peu de temps après, la politique des USA a pris un autre cours. Les intérêts économiques des Etats-Unis et de l’Afrique du Sud se sont rendus compte très probablement qu’ils feraient mieux de se débarrasser du fardeau de l’apartheid. Et l’apartheid s’effondra aussitôt. L’Afrique du sud n’est pas le seul cas où la fin du soutien américain à des crimes a conduit à un progrès significatif. Est-ce qu’un tel changement pourrait avoir lieu dans le cas d’Israël, ouvrant la voie à une solution diplomatique ? Parmi les barrières fermement en place se trouvent les liens militaires et de renseignements très forts entre les USA et Israël.

Le soutien le plus direct vient du monde des affaires. L’industrie high-tech des Etats-Unis est étroitement intégrée à celle de ses homologues israéliens. Pour ne citer qu’un exemple, le plus grand producteur des puces électroniques au monde, Intel, est en train d’installer son unité de production la plus avancée en Israël.

Une fuite récente de Wikileaks révèle que les industries militaires Rafael à Haïfa est un des sites considérés vitaux pour les intérêts des Etats Unis, vu sa production de bombes à fragmentation ; Rafael avait déjà transféré quelques opérations vers les Etats-Unis pour avoir un meilleur accès à l’aide et aux marchés aux Etats-Unis. Il y a aussi un lobby pro-Israël puissant, bien que minuscule par rapport aux lobbys économiques et militaires.

Les faits culturels ont aussi leur importance. Le sionisme chrétien précède de loin le sionisme juif, et n’est pas seulement restreint au tiers de la population des Etats-Unis qui croit dans la vérité littérale de la bible. Quand le général britannique Edmond Allenby a conquis Jérusalem en 1917, la presse nationale l’a comparé à Richard Cœur de Lion, sauvant enfin la Terre Sainte des infidèles.

Plus tard, les Juifs devaient revenir dans la patrie que le Seigneur leur avait promise. Exprimant une vue commune dans l’élite, Harold Ickes, le ministre de l’intérieur de Franklin Roosevelt a pu dire que la colonisation juive de Palestine était un exploit « sans comparaison dans l’histoire de la race humaine ».

Il ne faut pas oublier la sympathie instinctive pour une société de type colonial qui rejoint l’histoire même des Etats-Unis, apportant la civilisation sur les terres que les indigènes indignes avaient laissées dépérir –doctrines profondément ancrées dans des siècles d’impérialisme.

Pour briser cette impasse, il sera nécessaire de démanteler l’idée en vigueur selon laquelle les Etats-Unis sont un médiateur honnête, cherchant désespérément à réconcilier des adversaires récalcitrants, et de reconnaître que de sérieuses négociations devraient avoir lieu entre les Etats-Unis, Israël et le reste du monde.

Si les sphères du pouvoir peuvent être contraintes par l’opinion populaire à abandonner le “rejectionisme”1 vieux de plusieurs décennies, bien des perspectives qui semblent lointaines pourraient devenir tout d’un coup possibles.”

© Noam Chomsky


Traduit par Annie et Pedro pour CAPJPO-EuroPalestine

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:08

Il est de plus en plus clair que l’opération était un assassinat prémédité, en complète violation de multiples règles élémentaires du droit international. Aucune tentative n’a semble-t-il été faite pour appréhender une victime désarmée, ce qui aurait pu être raisonnablement entrepris par 80 commandos en butte à pratiquement aucune opposition, à l’exception, affirment-ils, de son épouse, qui se précipita vers eux. Dans des sociétés qui professent un certain respect pour la loi, les suspects sont arrêtés et traduits devant la justice dans le cadre d’un procès équitable. J’insiste sur le terme «suspects». En avril 2002, le chef du FBI, Robert Mueller, informa la presse que, au terme de l’enquête la plus intensive de l’histoire, le FBI était seulement en mesure de dire qu’il « croyait » que le complot avait été fomenté en Afghanistan, bien qu’il ait été mis en place aux Émirats arabes unis et en Allemagne. Ce qu’ils pouvaient seulement affirmer sur le mode de la croyance en avril 2002, il est évident qu’ils ne le savaient pas huit mois plus tôt, lorsque Washington rejeta les offres, faites par les talibans (nous ne pouvons pas savoir si ces propositions étaient sérieuses, étant donné qu’elles furent immédiatement rejetées) d’extrader Ben Laden à condition qu’on leur présente des preuves – preuves que, comme nous l’apprîmes assez vite, Washington n’avait pas. Ainsi, Obama a purement et simplement menti lorsqu’il a affirmé, dans sa déclaration à la Maison Blanche, que « nous avons rapidement appris que les attaques du 11 septembre avaient été menées par Al-Qaïda ».

Aucun élément plus tangible n’a été présenté depuis lors. On fait beaucoup de cas de la « confession » de Ben Laden, mais c’est un peu comme ma confession selon laquelle j’ai gagné le marathon de Boston. Il s’est vanté de ce qu’il considérait comme un grand exploit.

Il est aussi beaucoup question dans les médias de la colère de Washington, du fait que le Pakistan n’ait pas livré Ben Laden alors que certains éléments des forces militaires et de sécurité étaient certainement au courant de sa présence à Abbottabad. On évoque moins la colère du Pakistan alors que les Etats-Unis ont envahi leur territoire pour perpétrer un assassinat politique. La ferveur anti-américaine est déjà très forte au Pakistan, et ces événements sont susceptibles de l’aggraver. La décision d’immerger le corps, est déjà, comme on pouvait s’y attendre, en train de susciter colère et scepticisme dans une grande partie du monde musulman.

Nous pourrions nous demander quelle serait notre réaction si des commandos irakiens avaient atterri sur le ranch de George W. Bush, l’avaient assassiné, et avaient jeté son corps dans l’Atlantique. Il est incontestable que ses crimes dépassent largement ceux de Ben Laden, et il n’est pas un «suspect», mais sans conteste le «décideur» qui a donné l’ordre de commettre un «crime international suprême, différent des autres crimes de guerre en ce qu’il comporte en lui-même le mal accumulé du tout» (pour citer le Tribunal de Nuremberg) pour lesquels les criminels nazis ont été pendus: des centaines de milliers de morts, des millions de réfugiés, la destruction d’une grande partie d’un pays, et l’âpre conflit qui s’est maintenant propagé dans le reste de la région sur fond d’intolérance religieuse.

Il y aurait d’autres choses à dire encore, notamment au sujet d’Orlando Bosch, le poseur de bombe cubain qui vient de mourir paisiblement en Floride, y compris en référence à la fameuse « doctrine Bush » selon laquelle les sociétés qui abritent des terroristes sont aussi coupables que les terroristes eux-mêmes et doivent être traitées en conséquence. Personne n’a paru remarquer que Bush en avait par là aussi de facto appelé à l’invasion et la destruction des États-Unis et à l’assassinat de son président criminel.

Même chose avec le nom « opération Geronimo ». La mentalité impérialiste est si profondément ancrée dans les sociétés occidentales que personne n’a été même capable de s’apercevoir qu’en lui donnant un tel nom, ils glorifiaient Ben Laden, l’identifiant par là à une résistance courageuse contre des envahisseurs génocidaires. C’est comme le fait de baptiser nos armes du nom des victimes de nos crimes : Apache, Tomahawk… C’est comme si la Luftwaffe avait appelé ses avions de chasse « Juif » et « Tzigane ».Il y aurait encore beaucoup à dire, mais même le rappel des faits les plus évidents et les plus élémentaires nous donne déjà amplement matière à méditer.

© Noam Chomsky


Traduit par Contretemps.eu


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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 20:01
La poudrière du Moyen-Orient — Washington joue avec le feu (2006)

Présentation de l’éditeur — Comment définir le terrorisme ? Le retrait de l’Irak mènera-t-il à la guerre civile ? Quelle est l’importance de l’intégrisme islamique comme source de désordre dans le monde ? Comment les États-Unis auraient-ils dû réagir au 11 septembre ? Quelles sont les perspectives d’une intervention militaire états-unienne en Iran ?

Autant de questions toutes plus délicates les unes que les autres autour desquelles Noam Chomsky et Gilbert Achcar débattent : croissance de l’islamophobie et des intégrismes, innombrables atteintes à la démocratie et aux droits humains, conséquences des conflits politiques du Moyen-Orient perçus à travers le prisme déformant de la propagande américaine provoquent peur et violence dans le monde entier.

En unissant leurs forces, deux grands intellectuels de notre époque tracent de l’actualité un portrait surprenant, érudit et lucide, sans hésiter à se remettre en question et à aller au fond des choses pour trouver des solutions.

Présentation de l’éditeur 2 — En 2006, le rapport annuel du département d’État américain faisait état d’une augmentation de 29% des actes terroristes ; une hausse en grande partie imputable à l’attitude historiquement impérialiste des États-Unis au Moyen-Orient. Washington se targue d’une mission démocratique qui devient rapidement ironique puisque son principal allié reste l’Arabie saoudite, régime particulièrement obscurantiste et autoritaire. À l’inverse, l’Iran, qui a une structure démocratique beaucoup plus avancée, reste la bête noire de Washington.

Mais quelles sont les conséquences de tels paradoxes politiques ? Comment risquent d’évoluer les différents systèmes de pouvoir en présence? Dans un dialogue réalisé en 2006, Gilbert Achcar et Noam Chomsky répondent à ces questions et à beaucoup d’autres. Ils examinent point par point les racines des déséquilibres et des conflits, tels que la guerre en Afghanistan et au Liban, le bourbier de l’Irak, le conflit israélo-palestinien, le rôle de la Syrie, de l’Iran, les implications des États-Unis, de la Russie, de la Chine et de l’Europe dans ces régions. Au-delà des questions géostratégiques, ils analysent les différentes formes de terrorisme, la montée des intégrismes religieux islamique comme chrétien, et l’état de la démocratie.

Bien qu’autosuffisants en pétrole, les États-Unis interviennent dans la région afin de contrôler l’or noir et ainsi asseoir leur domination politique, militaire et économique sur un espace hautement stratégique dont dépendent l’Europe et l’Asie. Tandis que Washington soutient les régimes qui satisfont leurs intérêts géopolitiques, les nationalismes arabes séculiers, susceptibles de s’approprier leurs ressources pétrolifères, ont été affaiblis ou détruits – une position qui a laissé le champ libre à l’intégrisme religieux. Mais aux États-Unis comme au Moyen-Orient, le fondamentalisme détourne l’attention des citoyens des véritables enjeux, sapant le progrès social et le fonctionnement démocratique.

Malgré la gravité et la complexité des situations exposées, la structure dialoguée rend l’ouvrage dynamique et facile à lire : Chomsky et Achcar s’accordent, se complètent, ou s’opposent parfois. On retrouve la plume sarcastique de Chomsky, sa grande connaissance de l’histoire politique américaine, alliés à l’expertise et l’analyse aiguisée d’Achcar sur la région.

La poudrière du Moyen-Orient est un livre majeur pour comprendre les réels enjeux de cette région, un véritable antidote à l’amnésie politique. C’est surtout la rencontre entre deux intellectuels d’envergure qui explorent ensemble des solutions, dans un esprit de paix et de justice sociale.

Gilbert Achcar, français et canadien d’origine libanaise, est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le choc des barbaries paru en treize langues et dont la seconde édition française, en format poche, est déjà épuisée. Militant bien connu pour sa collaboration au Monde Diplomatique, il enseigne la politique et les relations internationales.

Stephen Shalom, professeur de science politique à l’université Wiliam Paterson, agit comme modérateur.

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER — Terrorisme et théories du complot
CHAPITRE II — Intégrisme et démocratie
CHAPITRE III — Les sources de la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient
CHAPITRE IV — Les guerres dans le «Grand Moyen-Orient»
CHAPITRE V — Le conflit israélo-palestinien

Le champ du possible : Dialogue sur le conflit israélo-palestinien (2008)

Présentation de l’éditeur — Noam Chomsky et Ilan Pappé sont deux intellectuels qui n’ont jamais hésité à nourrir de leurs vues la question israélo-palestinienne. Frank Barat les a interviewés et a croisé leurs réponses sur les derniers développements du conflit. La force de cet entretien, ce n’est pas tant l’analyse politique du conflit mais bien la volonté des deux auteurs de dégager des perspectives susceptibles de faire taire la guerre et d’en dégager un « champ du possible ».

Sous la direction de Frank Barat, qui est né en 1977 en France et réside depuis de nombreuses années au Royaume-Uni. Il milite au sein de différentes associations dont Palestine Solidarity Campaign London (www.palestinecampaign.org) et Israeli Committee Against House Demolition UK (www.icand.org). Egalement réalisateur d’un documentaire intitulé « Nine Days in Palestine », il écrit régulièrement des articles pour « Counterpunch.org »,« Zmag » et « The Palestine Chronicle ».

Israël, Palestine, États-Unis : le triangle fatidique (1983/rev. 2006)

Présentation de l’éditeur — Enfin publiée en français, voici l’œuvre majeure de Noam Chomsky à propos de l’implication des États-Unis dans le conflit Israël-Palestine. En appuyant sa réflexion sur un travail de recherche colossal, toujours aussi rigoureux et complet, Chomsky démolit le récit officiel. Il s’attaque à toute une série de mythes: la démocratie israélienne, la bienveillance de l’occupation, l’absence de racisme contre les Arabes en Israël, le terrorisme palestinien, la paix pour la Galilée, etc., et les met en pièces avec un barrage de contre-exemples. Écrit à la manière ironique et impitoyable de Chomsky, voici le livre le mieux documenté pour expliquer cette crise qui semble insoluble.

Extrait de la préface d’Edward W. Saïd —  Le Triangle fatidique est peut-être l’ouvrage le plus ambitieux jamais écrit sur le rôle déterminant des États-Unis dans le conflit entre le sionisme et les Palestiniens. C’est un exposé tenace de la corruption, de l’avidité et de la malhonnêteté intellectuelle des humains. C’est également un grand livre et un livre important qui doit être lu par tous ceux qui se soucient de la chose publique.

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 19:55
Extrait de la conférence prononcée au Harvard Memorial Church à Cambridge

Noam Chomsky : Il y a quelques jours, mon quotidien préféré, le London Financial Times, a identifié l’Iran comme le principal problème actuel en matière de politique étrangère pour Obama. L’article a été publié à l’occasion de l’échec d’Hillary Clinton à convaincre le Brésil de se joindre aux appels des Etats-Unis pour un durcissement des sanctions et de l’insistance du Président Lula à promouvoir les relations avec l’Iran, des relations commerciales, etc, en déclarant que l’Iran avait le droit d’enrichir de l’uranium pour produire de l’énergie nucléaire, comme tous les signataires du Traité de Non Prolifération.

Bien entendu, l’article a aussi présenté la position de Lula comme une sorte d’anomalie. Pourquoi ne se joint-il pas à la communauté internationale, au reste monde ? C’est une coutume intéressante, très caractéristique de l’emprise de la culture impérialiste, car que désigne le terme de « communauté internationale » ? Si on regarde les choses de près, on se rend compte que la « communauté internationale » désigne en fait les Etats-Unis et tous ceux qui sont d’accord avec eux. Tous les autres ne font pas partie du reste du monde. Ils sont ailleurs.

Il se trouve que dans le cas présent, la position de Lula correspond à celle de la majorité de la planète. Vous pouvez être d’accord avec ou pas, mais c’est la position, par exemple, des anciens pays du mouvement des non-alignés, de la majorité de pays du monde et de la grande majorité de leurs populations. Ils ont vigoureusement répété et défendu le droit de l’Iran à enrichir de l’uranium pour des objectifs pacifiques, en rappelant que ce pays est signataire du Traité de Non Prolifération, ce qui lui accorde ce droit. Mais ils ne font pas partie du reste monde.

Un autre groupe qui ne fait pas partie du reste monde est la population des Etats-Unis. Les derniers sondages que j’ai vus, publiés il y a deux ans, montraient qu’une grande majorité d’Américains pensaient que l’Iran avait le droit de développer une énergie nucléaire, mais pas une arme nucléaire, évidemment. En fait, selon ce sondage, sur tout un ensemble de sujets, les opinions exprimées par les Américains étaient pratiquement identiques à celles des Iraniens. Lorsque le sondage a été présenté à Washington lors d’une conférence de presse, le présentateur a fait remarquer que si les peuples avaient la possibilité de décider de la politique, les tensions et les conflits seraient probablement résolus.

C’était il y a deux ans. Depuis, il y a eu une énorme masse de propagande autour de la menace iranienne, etc. Je suppose que si le sondage était effectué aujourd’hui, les chiffres seraient différents. Mais c’était en 2007, il y a trois ans. A un moment donné donc, les Américains ne faisaient pas partie du reste du monde. La majorité de la population mondiale n’en faisaient pas partie et Lula, en exprimant une opinion largement partagée, n’en faisait pas partie non plus. On pourrait rajouter aussi qu’il est probablement la personnalité politique la plus populaire de la planète, mais cela non plus n’a pas d’importance.

Alors, que dire du conflit avec l’Iran et de la menace iranienne ? Une personne sain d’esprit ne voudrait pas voir l’Iran fabriquer des armes nucléaires. Personne, en fait. Sur cette question, l’accord est donc général. Et il y a effectivement un réel problème de prolifération d’armes nucléaires. C’est une affaire sérieuse. Et le discours d’Obama mentionne et insiste sur la nécessité de stopper la prolifération d’armes nucléaires et de réduire, et éventuellement éradiquer, de telles armes. Voilà pour le discours. Maintenant, voyons les faits.

Tout est devenu clair il y a quelques mois. Une fois de plus, le Conseil de Sécurité (des Nations Unies) a adopté une résolution, le numéro 1887 – je crois que c’était au mois d’Octobre – qui critiquait l’Iran pour n’avoir pas respecté les exigences du Conseil de Sécurité et qui appelait tous les états à signer le Traité de Non Prolifération et à résoudre leurs conflits sans proférer des menaces de recourir à la force. Cette dernière partie de la résolution n’a pas vraiment fait la une des journaux pour une raison bien simple : elle s’adressait à deux pays, les deux pays qui menacent régulièrement de recourir à la force, à savoir les Etats-Unis et Israël. La menace de recourir à la force est une violation de la Charte des Nations Unies, pour ceux qui lui accordent encore la moindre importance. On n’en parle jamais. Mais pratiquement tout le monde – et je parle là de toutes les tendances politiques – emploie la phrase rituelle de « toutes les options sont envisageables ». Ce qui constitue une menace.

Et la menace n’est pas une menace en l’air. Par exemple, Israël envoie ses sous-marins nucléaires, qui sont pratiquement indétectables, dans le Golfe, à distance de tir de leurs missiles nucléaires – Israël a beaucoup d’armes nucléaires – sur l’Iran. Les Etats-Unis et leurs alliés effectuent des exercices militaires dans la région, des exercices clairement dirigés contre l’Iran. Mais il y a un petit grain sable, parce que la Turquie refuse d’y participer, mais ils essaient de la convaincre. Nous avons donc affaire à des menaces, verbales et politiques. Israel envoie des sous-marins nucléaires et d’autres navires de guerre par le canal de Suez, avec l’accord tacite de l’Egypte, de la dictature egyptienne, un autre état de la région soumis aux Etats-Unis. Ce sont des menaces – répétées, verbales et concrètes.

Ces menaces ont pour effet d’encourager l’Iran à développer un moyen de dissuasion. Qu’ils soient en train de le faire ou pas, je n’en sais rien. Peut-être qu’ils le sont. Mais s’ils le sont, la raison, et je crois que tout analyste sérieux serait d’accord, ce n’est pas parce qu’ils auraient l’intention d’utiliser des armes nucléaires. S’ils s’avisaient à ne serait-ce qu’armer un missile avec une tête nucléaire, c’est une hypothèse, le pays serait vitrifié en cinq minutes. Et personne ne croit que les religieux au pouvoir, quelle que soit l’opinion qu’on peut en avoir, ont des tendances suicidaires et veulent voir tout le pays, la société entière et tout leurs biens avec, partir en fumée. En fait, les hauts responsables des services de renseignement US, qui se sont exrpimés, estiment que la probabilité de voir l’Iran utiliser un jour une arme nucléaire est d’un pour cent, c’est-à-dire si faible qu’on ne peut pas vraiment l’estimer. Mais il est possible qu’ils développent de telles armes comme un moyen de dissuasion.

Un des historiens les plus importants en Israel, Martin van Creveld, il y a quelques années, après l’invasion de l’Irak, a écrit dans la presse internationale qu’il ne voulait bien sûr pas voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire, mais que s’ils ne le faisaient pas, a-t-il dit, ils seraient fous. Les Etats-Unis venaient d’envahir l’Irak en sachant que le pays était sans défense. C’est une des raisons pour lesquelles ils se sont sentis en position de le faire. C’est facile à comprendre. Les dirigeants iraniens aussi le comprennent. Alors, pour citer van Crevels, « s’ils ne sont pas en train de développer une arme de dissuasion nucléaire, ils sont fous ».

Qu’ils soient effectivement en train de le faire ou non est un autre débat. Mais il ne fait aucun doute que la position hostile et agressive des Etats-Unis et d’Israel constituent un facteur important pour les hauts dirigeants iraniens, pour décider ou non de développer une arme de dissuasion.

Interview

Amy Goodman : Nous sommes avec le professeur Noam Chomsky que nous avons interviewé au Harvard Memorial Church à Cambridge, Massachusetts. Ma première question porte sur son analyse de la politique étrangère du Président Obama

Noam Chomsky : Lorsqu’Obama a pris ses fonctions, ou lorsqu’il a été élu, un haut fonctionnaire de l’administration Bush – je crois qu’il s’agissait de Condoleezza Rice – a prédit que sa politique étrangère serait dans la continuation de celle du deuxième mandant de Bush. Le deuxième mandat de Bush était différent du premier. Le premier mandat était agressif, arrogant, envers le monde entier, y compris les alliés, et il a produit un effet assez négatif – à cause de sa politique mais aussi à cause de son style – sur le prestige des Etats-Unis, qui est tombé plus bas que jamais auparavant. Ce qui portait atteinte aux intérêts de ceux qui décident de la politique étrangère – les milieux d’affaires et les sociétés privées, les décideurs, etc. Il y a donc eu beaucoup de critiques de leur part au cours du premier mandat. Le deuxième mandant était quelque peu différent. D’abord, les personnages les plus extrémistes ont été débarqués. Rumsfeld, Wolfowitz, quelques autres, ont été envoyés se mettre au vert. Ils n’ont pas pu se débarrasser de Cheney, parce que Cheney était le gouvernement, et ils ne pouvaient pas se débarrasser du gouvernement. Mais beaucoup d’autres sont partis, et la politique est retournée à la norme, une norme plus ou moins centriste. C’est-à-dire qu’on parlait un peu plus de négociations, un peu moins d’agressions, ce genre de choses. Et on a adopté une attitude plus polie envers les alliés. Notre politique n’avait pas vraiment changé, mais elle était devenue plus présentable. C’était ça, la prédiction sur la politique d’Obama. Et c’est bien ce qui est arrivé.

En fait, il y a un exemple pour illustrer ce phénomène. Un peu anachronique, mais je crois qu’il s’applique. En 1962, au moment de la crise des missiles à Cuba, lorsque le monde a dangereusement frôlé le bord du précipice – le moment le plus dangereux de l’Histoire a dit Arthur Schlesinger, conseiller de Kennedy – au summum de la crise des missiles, les décideurs US envisageaient de prendre des mesures qui pouvaient détruire l’Europe, et la Grande-Bretagne en particulier, et ils le savaient. Ils étaient là, le plus sérieusement du monde, en train d’échafauder des scénarios qui se concluaient par la destruction de la Grande-Bretagne. En fait, non seulement ils prenaient ça au sérieux, mais ils prenaient même des mesures qui poussaient dans ce sens. Mais ils se sont bien gardés de le dire à la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne est censée entretenir une relation spéciale avec les Etats-Unis. Les Britanniques à l’époque étaient plutôt mécontents parce qu’ils n’arrivaient pas à savoir ce qui se tramait. Tout ce que le premier Ministre, MacMillan, arrivait à savoir, c’était ce que ses services de renseignement lui transmettaient. On en était donc là, avec l’élite parmi l’élite du pays qui dressait des plans qui pouvaient aboutir à la destruction de la Grande-Bretagne, sans les tenir informés.

C’est à ce stade qu’un haut conseiller de l’administration Kennedy – je crois qu’il s’agissait de Dean Acheson – est entré dans la discussion, et il a précisé la notion de « relation spéciale ». Il a dit que la relation spéciale avec la Grande-Bretagne signifiait que la Grande-Bretagne était notre lieutenant ; le terme de rigueur est « partenaire ». Et les Britanniques, bien sûr, aiment bien entendre ce mot. Eh bien, c’est ça la différence entre Bush et Obama. Bush leur disait simplement « vous êtes notre lieutenant. Si vous ne faites pas ce que l’on vous dit de faire, vous n’êtes plus utiles ». En fait, ce sont les termes que Colin Powell a employés à l’ONU, je crois. « Faites ce que nous vous disons de faire. Vous n’êtes que notre lieutenant, sinon oubliez… » C’est quelque chose de désagréable à entendre. On préfère entendre « vous êtes notre partenaire. » Vous savez, dans le genre « je vous aime ». Ensuite, discrètement, en coulisses, nous les traitons comme des lieutenants, mais ce n’est pas grave. Je pense que c’est là que réside la différence principale.

AG : qu’en est-il du mouvement anti-guerre aux Etats-Unis ? Vous en avez fait partie, vous avez été très actif, depuis la guerre au Vietnam jusqu’à ce jour. Comment voyez-vous les choses par rapport à une personne pour laquelle beaucoup d’entre eux ont consacré d’énormes efforts à faire élire ?

Chomsky : Mon opinion, qui n’est pas très répandue, est que le mouvement anti-guerre est bien plus puissant aujourd’hui qu’il ne l’a été dans les années 60. Dans les années 60, il y eut un moment, en 1969, où le mouvement contre la guerre du Vietnam était très puissant. Mais il faut se souvenir que la guerre a commencé, qu’elle est devenue une vraie guerre ouverte, en 1962. A cette époque, 70.000 ou 80.000 personnes avaient déjà été tuées sous le régime fantoche du Sud Vietnam. Mais en 1962, Kennedy a lancé une guerre ouverte, en faisant bombarder le Sud Vietnam – les avions portaient les couleurs du Sud Vietnam, mais tout le monde savait de quoi il retournait et ça se disait ouvertement même – en autorisant le recours au napalm, l’utilisation d’armes chimiques pour détruire les cultures et la végétation. Il a lancé un programme qui a chassé des millions de personnes des campagnes qui se sont retrouvées regroupées dans ce qu’il faut bien appeler des camps de concentration pour, selon les termes employés, les « protéger de la guérilla » qui avait l’appui de la population, chose que le gouvernement savait parfaitement. On peut voir la même chose aujourd’hui en Afghanistan, si vous prenez la peine de lire entre les lignes les histoires sur la conquête de la ville de Marjah. Nous avons poussé la population vers des camps de concentration pour les protéger de ceux, les guérilleros, qu’ils soutiennent. Il s’agit d’une guerre, vous savez, d’une vraie guerre.

Il n’y a eu aucune protestation, littéralement. Il a fallu des années avant de voir les premiers signes de protestation. Ceux d’entre vous qui sont assez vieux se rappelleront peut-être qu’à Boston, une ville progressiste, au mois d’octobre 1965 – ça faisait déjà trois ans que des centaines de milliers de soldats US étaient occupés à ravager un pays, que la guerre s’était étendue à Nord Vietnam, et ainsi de suite – il y a eu la première tentative de manifestation publique contre la guerre. C’était en octobre 1965. Je devais y prendre la parole. Je n’ai pas pu dire un mot. La manifestation fut violemment dispersée. Beaucoup d’étudiants ont marché pour tenter de disperser la manifestation et il y avait aussi des centaines de policiers. Le lendemain, le Boston Globe, le quotidien le plus progressiste du pays, a consacré toute sa première page à dénoncer les manifestants, pas ceux qui les ont attaqués. Ils ont publié en plein milieu de la page la photo d’un soldat blessé, ce genre de choses. C’était au mois d’octobre 1965, il y avait des centaines de milliers de soldats là-bas, la guerre prenait de l’ampleur. Finalement, des années plus tard, en 1968, on a vu surgir un mouvement anti-guerre d’une certaine importance, vers 67, 68. A cette époque, le Sud Vietnam n’existait déjà plus. Le pays avait été virtuellement détruit. Et c’était la même chose pour une bonne partie du reste de l’Indochine. La guerre s’est poursuivie pendant encore de longues années, avec toutes les conséquences terribles, mais nous ne voulions pas voir la réalité en face, nous ne voulions même pas en parler. Cela dit, le mouvement anti-guerre a obtenu quelques résultats, mais bien plus tard.

Comparons à présent avec l’Irak. Il y a eu d’énormes manifestations avant même le déclenchement officiel de la guerre. Nous savons à présent que Blair et Bush mentaient tout simplement lorsqu’ils disaient qu’ils cherchaient une solution diplomatique. Ils avaient déjà déclenché la guerre. C’est ce qui ressort des fameux rapports de Downing Street (Downing Street Memos) en Angleterre. Il y a eu d’énormes manifestations. Et je crois qu’elles ont eu au moins un effet. La guerre américaine en Irak était déjà terrible. Elle a fait probablement un million de victimes, et chassé quelques millions d’autres hors du pays. C’était assez horrible. Mais cela aurait pu être bien pire. Ils auraient pu faire en Irak ce qu’ils avaient fait au Sud Vietnam. Ca n’a pas été le cas. Il n’y a pas eu de tapis de bombes sur tout le pays par des B52, il n’y a pas eu d’armes chimiques et ainsi de suite. Et je crois que c’est grâce au mouvement anti-guerre. La population était devenue plus civilisée. Je crois que c’est une des tristes réalités des années 60.

AG : Et l’Afghanistan ?

Chomsky : L’Afghanistan est un cas intéressant. Cette guerre nous a été vendue comme une riposte « juste » – mais toutes les guerres sont « justes » – pour combattre le terrorisme, comme une riposte à une attaque terroriste. Cette idée est tellement ancrée qu’il me faudrait plus de temps pour en parler. L’important ici est que ce n’était pas là le véritable objectif de cette guerre.

Si l’objectif de cette guerre était d’isoler Al Qaeda, d’éradiquer le terrorisme, il y avait des moyens plus directs pour y arriver. Si vous retournez dans le passé, le mouvement djihadiste était très critique envers les attaques du 11 Septembre. Des fatwas étaient prononcés par les religieux les plus radicaux, de l’université Al Azhar par exemple, le principal centre théologique, qui condamnaient Al-Qaeda, Oussama Ben Laden et les attaques terroristes. Ils disaient que ce n’était pas musulman, qu’ils n’auraient jamais fait une chose pareille, etc. Alors, si on voulait réellement éradiquer le terrorisme, la chose la plus évidente à faire aurait été d’isoler Al-Qaeda, de tenter de gagner du soutien, y compris celui du mouvement djihadiste, et bien sûr celui de la population qu’ils essaient de mobiliser. Vous savez, les terroristes se voient comme une sorte d’avant-garde. Ils essaient de mobiliser les gens à leur cause. Tous les spécialistes du terrorisme le savent. On aurait donc pu le faire à ce moment-là, et on aurait pu procéder à l’identification des coupables ce qui, soi-dit en passant, était impossible parce qu’ils n’en savaient rien, chose qu’ils ont admis après coup. Mais ils auraient pu essayer de les identifier, les présenter à la justice – avec de vrais procès, sans tortures – ce qui aurait fortement réduit, sinon éradiqué, le terrorisme islamique.

Eh bien, ils ont fait tout le contraire. Ce qu’ils ont essayé de faire, c’est de mobiliser la population et le mouvement djihadiste en faveur d’Al-Qaeda. C’est exactement l’effet produit par l’invasion de l’Afghanistan suivie plus tard par celle de l’Irak. C’est aussi l’effet produit par Guantanamo et Bagram et d’autres centres de torture. Tous ceux qui y ont participé savent parfaitement qu’ils ont crée des terroristes.

AG :-P ensez-vous qu’Obama devrait faire juger les prisonniers de Guantanamo à New-York ?

Chomsky : Ça dépend si vous voulez faire partie des pays civilisés ou être un état voyou. Si vous voulez être un état voyou, faites ce qui vous plait. Vous pouvez torturer, tuer, tout ce que vous voulez. Si vous voulez faire partie du monde civilisé, et si vous voulez diminuer l’attrait du mouvement djihadiste extrémiste, alors faites les juger par des tribunaux civils.

En fait, le fait même qu’ils se trouvent à Guantanamo constitue un scandale. Cest quoi, Guantanamo ? Guantanamo a été volé à Cuba par la force des armes, il y a un siècle. Ils ont dit « donnez-nous Guantanamo, sinon… ». Cuba était alors sous occupation militaire. Ils appellent ça un traité, et le traité de Guantanamo, si vous voulez l’appeler ainsi, autorisait les Etats-Unis à l’utiliser comme base navale. Mais ce n’est pas à ça qu’elle sert. Elle a d’abord servi pour parquer les réfugiés haïtiens. Lorsque les haïtiens fuyaient les dictatures soutenues par les Etats-Unis, les Etats-Unis leur refusaient l’asile politique. On disait qu’ils n’étaient que des réfugiés économiques. Les gardes-côtes tentaient de les intercepter, et si certains arrivaient à passer, on les envoyait à Guantanamo. Voilà à quoi servait cette base.

En fait, la base sert à fabriquer des terroristes. Ce n’est pas mon opinion, c’est l’opinion de ceux qui y ont mené les interrogatoires, comme Matthew Alexander, qui a écrit un article à ce sujet. Il a dit que c’était un moyen très efficace pour fabriquer des terroristes. Un moyen qui inspire, qui transforme beaucoup de gens en terroristes, notamment ceux qui ont été arrêtés quelque part pour une raison quelconque.

Alors oui, si vous le voulez vraiment, si votre objectif est de réduire la menace du, disons, terrorisme islamiste, et si vous voulez faire partie du monde civilisé, vous devez les juger devant un tribunal civil. Mais la plupart de ceux qui sont à Guantanamo… c’est vraiment scandaleux… on y trouve des gamins de quinze ans qui ont été arrêtés parce qu’ils portaient un fusil au moment où le gouvernement des Etats-Unis envahissait leur pays. C’est ce qu’on appelle un terroriste. Et c’est probablement le cas pour l’écrasante majorité des prisonniers à Guantanamo. Si le but était d’être civilisé et de réduire la menace terroriste, on aurait du les enfermer dans une prison aux Etats-Unis. Ce n’est pas un problème de sécurité. Ils ne vont pas s’évader d’une prison de haute sécurité, et ils n’ont pas de pouvoirs magiques pour aller répandre un poison ou je ne sais quoi. Evidemment, une telle option n’arrangeait pas le gouvernement des Etats-Unis parce qu’il n’avait pas de preuves contre eux.

Ils ont été envoyés à Guantanamo avec l’idée de les soustraire aux droits garantis par les lois américaines. Vous pouvez toujours faire semblant qu’ils n’étaient pas sous la juridiction des Etats-Unis, et que les lois américaines ne s’appliquaient donc dans leur cas. Finalement, la Cour Suprême, après de longues hésitations, a fini par concéder qu’ils avaient bien des droits. L’administration Bush a accepté la décision. Pas Obama. L’administration Obama tente actuellement de faire annuler un jugement rendu par un juge de droite, nommé par Bush, qui a dit que la décision de la Cour Suprême s’appliquait aussi à la prison de Bagram, le centre de torture en Afghanistan. L’administration Obama tente de contrer ce jugement, ce qui signifie que la décision de la Cour Suprême n’est qu’une farce. Si vous voulez torturer quelqu’un, ne l’envoyez pas à Guantanamo parce que la Cour Suprême a déclaré qu’on ne pouvait pas torturer à Guantanamo ; alors vous l’envoyez à Bagram. Alors si vous arrêtez quelqu’un au Yémen, ou n’importe où, et que vous voulez le soustraire au droit international, au droit US par la même occasion, OK, pas de problème, envoyez-le à Bagram. C’est ça la position officielle de l’administration Obama.

C’est pour ces raisons que même les plus virulents spécialistes de l’anti-terrorisme, comme Michael Scheuer, disent que les meilleurs alliés d’Al Qaeda et d’Oussama Ben Laden sont les Etats-Unis, parce que nous faisons exactement ce qu’ils veulent que nous fassions. Ce qu’ils veulent, c’est vendre leur croisade au monde musulman, en disant qu’il y a des types qui cherchent à les tuer et qu’ils faut se défendre. Oui, vraiment, nous faisons tout ce qu’ils demandent.

AG : que pensez-vous de l’administration Obama et du conflit Israélo-palestinien ?

Chomsky : Le conflit israélo-palestinien est un cas facile. Il y a un consensus international quasi-total depuis 35 ans maintenant sur ce qu’il convient de faire pour résoudre le problème – du moins à court terme – à savoir : deux états avec des frontières reconnues par toutes les parties, avec, selon les termes employés, « des modifications mineures et acceptées par les deux parties ». C’était d’ailleurs la politique officielle des Etats-Unis jusqu’à ce qu’ils décident un jour de s’évader du monde réel, au début des années 70. Et c’est un point de vue très largement partagé. En 1976, il y a même eu une résolution du Conseil de Sécurité appelant à une solution à deux états. Les Etats-Unis ont opposé leur veto. Et ça n’a pas cessé depuis. Je ne vais pas passer toute l’histoire en revue, mais si on en arrive directement au présent, le consensus est désormais quasi-total. Autour de ce consensus, on trouve tous les états arabes, et ce depuis longtemps. On trouve l’Iran, l’Organisation des Etats Islamiques. On trouve le Hamas. En fait, on trouve tout le monde sauf les Etats-Unis et Israël.

Que dit l’administration Obama ? C’est intéressant. Obama a cette grande vision, mais si vous regardez les choses de plus prés, en oubliant la vision et en examinant les faits, les choses changent. D’un côté, il demande poliment aux Israéliens de ne plus étendre leurs colonies, ce qui n’a pas de sens, parce que le problème, c’est l’existence même des colonies, pas leur extension. De plus, ces mots n’ont aucun sens. Il ne fait que répéter les propos de Bush. En fait, il cite ce que l’on appelle la Feuille de Route, le soi-disant accord officiel pour aller de l’avant. Il ne fait que le citer. Ca n’a aucun sens, mais ça fait malgré tout partie de sa grande vision.

D’un autre côté, et qui est plus intéressant, peu de temps après sa prise de fonction, il a donné son premier et jusqu’à présent son unique discours sur le conflit israélo-palestinien. C’était au moment où il présentait George Mitchell comme son négociateur, ce qui est un bon choix, si on lui donne les moyens de réussir. C’est à ce moment-là qu’Obama a expliqué ce qu’il avait l’intention de faire. C’était au moment de la main tendue vers le monde musulman. Il a dit, en parlant de la proposition de paix arabe, eh bien voilà ce que j’appelle une proposition constructive – c’était sa façon à lui de flatter les auteurs de la proposition. Puis il a enchainé, en déclarant, « Il est temps que les Arabes se conforment à leur proposition de paix et commencent à normaliser leurs relations avec Israël. » Obama est un homme instruit, intelligent. Je suppose qu’il choisit ses mots avec soin. Il savait parfaitement que ce n’était pas la proposition de paix arabe. La proposition de paix arabe reprenait les termes du consensus international et disait, dans l’éventualité de deux-états, que les états Arabes iraient même au-delà d’une normalisation des relations avec Israël. Obama en a extrait le corollaire, mais a omis la substance, ce qui est une façon comme une autre de déclarer que les Etats-Unis allaient se cantonner dans leur position de refus. Il n’aurait pas pu être plus clair.

Avec cet appel à cesser l’expansion des colonies, il a été un peu plus loin – pas lui, personnellement, mais ses porte-paroles lors des conférences de presse. On leur a demandé si l’administration allait faire quelque chose si Israël refusait. Ils ont répondu « non, c’est purement symbolique ». En fait, ils ont explicitement dit que l’administration ne ferait pas ce que George Bush père, lui, avait fait. George Bush père avait quelques petites punitions qu’il distribuait lorsqu’Israël s’entêtait à désobéir aux Etats-Unis. Clinton les a adoucies et Obama les a supprimées. Il a dit, « non, c’est juste symbolique. » Ce qui revient à dire à Benjamin Netanyahu « allez-y, faites ce que vous voulez. Nous dirons que nous sommes mécontents mais nous le ferons avec un clin d’œil complice, alors allez-y. En attendant, nous participerons, en vous envoyant des armes. Nous vous accorderons un soutien diplomatique et une participation active. » C’est cela, sa vision. Difficile d’être plus clair.

Que pouvons-nous faire ? Nous pouvons essayer de faire en sorte que les Etats-Unis rejoignent le monde réel. Dans ce cas précis, ce serait rejoindre le reste du monde. Rejoignez le monde réel et acceptez le consensus international et cessez de participer activement à son viol, c’est-à-dire aux actions de l’état d’Israël. J’aurais pu dire aux actions de l’état d’Israël et des Etats-Unis. Ce qu’Israël et les Etats-Unis sont en train de faire à Gaza et en Cisjordanie, c’est de détruire l’espoir d’une réalisation de ce consensus international.

Et je crois qu’il n’y pas beaucoup d’alternatives. En fait, de nombreux militants palestiniens eux-mêmes vont jusqu’à dire qu’il faut abandonner la solution de deux états et laisser Israël s’emparer de tous les territoires, éventuellement les annexer, pour ensuite passer à une lutte pour les droits civiques et une lutte similaire à celle contre l’apartheid. Ceux qui disent ça sont aveugles. Cela n’arrivera jamais. Les Etats-Unis et Israël ne laisseront pas faire. Ils continueront de faire exactement ce qu’ils sont en train de faire : étrangler Gaza, le détacher de la Cisjordanie, en violation des accords internationaux et, en Cisjordanie, s’emparer de tout ce qui les intéresse.

AG : Pouvez-vous nous parler de votre carrière, des moments où vous avez eu à faire des choix, à prendre des risques en quelque sorte. Que diriez-vous aux gens, aux jeunes notamment, sur la notion de courage en politique ?

Chomsky : Je n’aime pas trop parler de moi. Cela n’a pas d’importance. Mais puisque vous me posez la question… J’ai été un militant toute ma vie, depuis mon enfance. Mais j’ai commencé à faire des choses concrètes lors de mon engagement dans le mouvement anti-guerre, vers 1962. En 1962, on voyait bien ce qui se passait. Ce n’était pas vraiment caché. Et j’ai décidé de m’impliquer en organisant le mouvement anti-guerre. Il n’y avait pas vraiment de risques, mais ça voulait dire qu’il fallait sacrifier pas mal de choses. Ce sont des combats dans lesquels on ne peut pas s’engager à moitié. Il faut s’y engager à fond, c’est une occupation à temps plein.

AG : Etiez-vous déjà (un professeur) titularisé à l’époque ? En 1956 vous étiez enseignant au MIT (Massachussetts Institute of Technology)

NOAM CHOMSKY : 1955. Je ne me souviens plus de l’année. Ca peut vous paraitre étrange aujourd’hui, mais le MIT à l’époque avait deux caractéristiques intéressantes. La première était qu’il était entièrement financé par le Pentagone. Je travaillais dans un laboratoire qui était financé à 100% par trois corps d’armée différents. La deuxième était que c’était le centre principal de résistance du mouvement anti-guerre. Je ne parle pas de critique ou de protestation, je parle de résistance, c’est-à-dire l’organisation d’activités de résistance, des activités illégales. Et le Pentagone s’en fichait parce que, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, l’une des principales fonctions du Pentagone est de camoufler le mode de fonctionnement de l’économie. Les gens aiment à répéter qu’il s’agit d’une économie de marché libre, mais la plupart des inventions sont produites par le secteur public, les ordinateurs, l’internet, les avions, tout ça. En réalité, c’est le secteur public qui prend en charge les coûts de développement et qui assume les risques, et si quelque chose finit par marcher, on en fait cadeau au secteur privé. C’est ce qu’ils appellent le marché libre. Lorsque l’économie était tirée par les produits électroniques, c’est le Pentagone qui servait de couverture. On nous disait de faire ceci ou cela parce que les Russes allaient débarquer. En réalité, ils s’en fichaient.

J’ai commencé à m’impliquer en 1962. A l’époque, ça voulait dire que lorsque je donnais une conférence dans une église, c’était généralement devant 4 personnes, le prêtre, l’organisateur, un ivrogne qui était entré par hasard et un type qui voulait me tuer.

En 1966, 1965, j’ai tenté d’organiser – avec un ami , décédé depuis – une résistance nationale anti fisc. Nous avons obtenus quelques résultats. Nous avions donc pris quelques petits risques. Mais en 1966 une résistance plus sérieuse a commencé à s’organiser.

AG : vous faisiez la grève de l’impôt ?

Chomsky : je n’ai pas payé mes impôts pendant des années. Dans mon cas, le fisc n’aurait eu aucun mal à se faire payer, il leur suffisait de le déduire de mon salaire. Mais les réactions du fisc étaient assez aléatoires pour ce que j’ai pu en juger. Certains pouvaient se voir confisquer leur maison. D’autres sont allés en prison. On peut donc dire qu’il y avait une sorte de risque liée à notre activité. Mais plus grave était le soutien direct à la résistance, soutenir les résistants, les déserteurs, etc. Cela a commencé en 1966 pour devenir public en 1967. Là, il y avait un véritable risque. Mon épouse et moi avions trois enfants. Elle est retournée à ses études, dix-sept ans après, parce que nous estimions que je pouvais finir en prison. Et je n’en suis pas passé bien loin. Le procès avait été programmé pour 1968 et j’étais le principal accusé. J’ai été sauvé, avec tous les autres, grâce à l’offensive du Têt. L’offensive du Têt a été déclenchée en janvier 1968 (offensive militaire décisive vietnamienne – NdT), et les milieux d’affaires US ont décidé que les Etats-Unis devaient se retirer, que la guerre devenait trop couteuse.

AG : de quoi étiez-vous accusé ?

Chomsky : de conspiration pour échapper à la conscription, ou pour renverser le gouvernement ou quelque chose comme ça. Je pourrais vous parler de ces procès pour conspiration, c’est intéressant. Il m’arrivait d’en parler, mais cette fois-ci, c’était du concret, du réel. Si l’offensive du Têt n’avait pas été déclenchée, j’aurais probablement passé quelques années en prison.

AG : vous êtes passé en procès ?

Chomsky : les procès ont été annulés au lendemain de l’offensive du Têt. Il y avait un procés qui avait déjà commencé, le procès Spock, où il n’y avait que des innocents sur le banc des accusés. Le jugement a été annulé en appel, mais surtout à cause de l’offensive du Têt. Les milieux d’affaires se sont contentés de dire « faites gaffe ». En fait, en 1968, ils ont envoyé un groupe de soi-disant « sages » – quelques hauts dirigeants de Wall Street – à Washington où ils ont remis au président ce qu’il faut bien appeler une liste de consignes. C’était un véritable jeu de pouvoirs. Ils ont dit au président Johnson « arrêtez les bombardements. N’essayez pas de vous faire réélire. Entamez les négociations et le retrait des troupes. » Et il a suivi les consignes au pied de la lettre. Puis Nixon est arrivé et a changé de méthode. La partie visible de l’escalade militaire a décliné. Je dis visible parce que les pires atrocités de la guerre ont été commises après, en 1969, puis la guerre s’est étendue au Cambodge et au Laos, où elle a empiré. Mais tous ces développements étaient plus ou moins cachés. Et ils le sont encore de nos jours. Mais la tension dans le pays est retombée et une de leurs décisions a été l’annulation des procès, parce que le gouvernement voulait faire la paix avec les étudiants. Ca aussi c’est une histoire intéressante. Toujours est-il que les procès ont été annulés.

Il y avait donc bien quelques risques. La désobéissance civile n’est pas une partie de plaisir. On peut se faire tabasser ou quelque chose dans ce genre, passer quelques jours en prison, ce qui n’est jamais agréable, mais ce n’est tout de même pas non plus le genre de risques que peuvent prendre des dissidents dans d’autres pays.

C’est une décision à prendre et qui vous appartient, parce qu’on ne peut pas y entrer qu’à moitié. Soit c’est sérieux et vous y allez carrément, soit vous participez à une manifestation, vous oubliez et vous retournez à votre travail et rien ne change. Les choses ne changent que par un travail dévoué et consciencieux.

Il parait qu’on n’a pas le droit de dire des choses gentilles sur le Parti Communiste, n’est-ce pas ? C’est comme une sorte de règle établie. Pourtant, une des raisons pour lesquelles le « New Deal » a fonctionné, qu’il a eu un impact, c’est parce qu’il y avait des gens qui étaient là, présents tous les jours, sur tous les fronts. Sur celui des droits civiques, du droit du travail, en train d’organiser, de faire ce qu’il y avait à faire, ils étaient là, prêts à faire tourner les machines à ronéotyper – il n’y avait pas d’internet à l’époque – et à organiser des manifestations. Ils avaient une mémoire. Le mouvement avait une mémoire, chose qu’elle n’a plus aujourd’hui. Aujourd’hui, tout le monde doit recommencer à partir de zéro. Mais à l’époque, le mouvement avait une mémoire, une sorte de tradition, et les gens étaient toujours présents. Et en examinant les choses de plus prés, vous constaterez que le mouvement était largement dirigé par le Parti Communiste. Ils ont fini par le détruire, et c’est ce qui manque aujourd’hui, ce genre d’individus dévoués qui comprennent qu’ils ne gagneront pas dés demain, qu’il va falloir travailler, qu’ils connaîtront de nombreuses défaites, qu’ils vivront des moments agités, et qu’il se passera beaucoup de choses désagréables, mais que s’ils persistent, ils arriveront à quelque chose. C’est grâce à ça que nous avons connu le mouvement pour les droits civiques et le mouvement ouvrier, et ainsi de suite.

Il y a une leçon à en tirer. Dans les années ’70, il y avait une coupure, très nette, très visible, entre l’opinion élitiste – les journaux, les universitaires d’Harvard, etc – et l’opinion publique. Je dis bien l’opinion publique et pas seulement le mouvement anti-guerre. Chez ces élites, celles qui ont le droit de s’exprimer – et que vous pouvez lire, c’est donc facile à vérifier – la condamnation la plus extrême de la guerre qu’on pouvait trouver était qu’il s’agissait d’une erreur qui s’est finalement révélée trop coûteuse. C’était la condamnation la plus ferme qu’on pouvait trouver chez ces gens-là. Quant à l’opinion publique, environ 70%, selon les sondages, disaient que ce n’était pas une « erreur », que la guerre était fondamentalement mauvaise et immorale. La coupure était donc très nette.

Je crois que la leçon à retenir, c’est par exemple, lorsqu’Obama était admiré pour son opposition à la guerre, parce qu’il trouvait que c’était une erreur. Là nous aurions du lui rappeler les généraux nazis, après la bataille de Stalingrad, qui, eux-aussi, trouvaient que c’était une erreur que de se battre sur deux fronts à la fois. Or, la question n’est pas de savoir si s’agit d’une erreur ; la question est de savoir si c’est fondamentalement mal et immoral. C’est ça la leçon que nous devons tirer. L’opinion publique le comprend déjà, mais il faut arriver à en faire quelque chose et à s’organiser.

AG : je vais conclure avec une citation dont je n’arrive pas à retrouver l’auteur. « je revois ma vie et toutes les fois où je pensais avoir été trop loin, et à présent je réalise qu’en fait je n’avais pas été assez loin. »

© Noam Chomsky


Traduit par LGS pour Le Grand Soir


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7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 22:55

La guerre continue entre Samsung et Apple: le Coréen prévoit de dévoiler la nouvelle version de son Galaxy Note deux semaines avant la possible présentation du nouvel iPhone par le groupe américain.

Le nouveau Galaxy Note pourrait être équipé d’un écran «incassable» de 13,97 cm, contre 13,46 cm pour le modèle actuel.

Le nouveau Galaxy Note pourrait être équipé d’un écran «incassable» de 13,97 cm, contre 13,46 cm pour le modèle actuel.
Image: Keystone

«Nous prévoyons de dévoiler le prochain Galaxy lors de la conférenceSamsung ( 278.651 -0.59%Mobile Unpacked à Berlin le 29 août», a déclaré un porte-parole du groupe sud-coréen vendredi, sans autres précisions.

La conférence du «déballage mobile» de Samsung se tiendra deux jours avant l’ouverture de l’IFA, le plus important salon de l’électronique grand public en Europe.

Selon les médias sud-coréens, le nouveau Galaxy Note pourrait être équipé d’un écran «incassable» de 5,5 pouces (13,97 cm), contre 5,3 pouces (13,46 cm) pour le modèle actuel. La deuxième génération du Galaxy Note disposerait également d’un processeur plus rapide et d’un meilleur appareil photo.

Samsung a ravi à Apple, (AAPL 620.914 -0.26%l’année dernière, la place de numéro un mondial sur le segment des smartphones.

Des analystes s’attendent à ce qu’Apple dévoile le prochain iPhone en octobre, mais selon une source proche du dossier le groupe à la pomme devrait tenir une conférence de presse le 12 septembre pour le lancement d’«un produit majeur».

Les deux groupes, qui s’accusent mutuellement de violation de brevets, sont actuellement devant la justice aux Etats-Unis dans le cadre d’un procès considéré comme l’un des plus importants jamais tenus en matière de propriété industrielle.(ats/Newsnet)

Créé: 03.08.2012, 11h30

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7 août 2012 2 07 /08 /août /2012 22:45

Des experts ont révélé que les femmes sont nettement plus touchées que les hommes par le sida. Ils revendiquent des actions pour remédier à la situation.

Les femmes sont les plus touchées par le sida.

Les femmes sont les plus touchées par le sida.
Image: Keystone

    Les femmes sont largement plus touchées que les hommes par le sida dans le monde et sont les plus vulnérables au virus, ont déploré des experts lors de la 19e conférence internationale sur l'épidémie, appelant à des actions audacieuses pour y remédier.

    A l'échelle du globe, les taux d'infection chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans sont deux fois plus élevés que chez les hommes du même âge. Selon les dernières statistiques de l'Onusida publiées la semaine dernière: 63% de tous les jeunes adultes de cette catégorie d'âge vivant avec le virus sont des femmes.

    L'ONU estime par ailleurs que 1,2 million de femmes et de jeunes filles ont été infectées en 2011, la plus grande partie dans les pays en développement et à revenu intermédiaire. L'infection par le VIH est aussi la principale cause de mortalité chez les femmes en âge de procréer.

    «Nous ne pouvons même pas commencer à parler de mettre fin au sida alors qu'une aussi grande partie de l'impact de l'épidémie de VIH-sida continue à affecter aussi lourdement les femmes», a estimé mercredi le Dr Diane Havlir, professeur de médecine à l'Université de Californie à San Francisco, coprésidente de la 19e conférence internationale sur le sida. Celle-ci réunit depuis dimanche et jusqu'à vendredi à Washington plus de 20.000 délégués de 190 pays.

    «Des progrès ont été accomplis»

    «Les grandes avancées auxquelles nous avons assisté pour réduire la transmission de la mère à l'enfant chez les femmes enceintes avec des antirétroviraux doivent être reproduites ailleurs pour soulager le fardeau de cette épidémie», a-t-elle insisté. Pour cela, de «nouvelles approches de prévention avec des antirétroviraux et des microbicides vont être essentielles», juge ce médecin.

    Généralement, les femmes ont un plus grand risque de transmission du VIH que les hommes lors de rapports hétérosexuels sans préservatif, soulignent les experts. Dans de nombreux pays elles ne sont pas en mesure d'exiger que leur partenaire utilise un préservatif et elles sont aussi plus souvent victimes de rapports sexuels forcés.

    Pour Geeta Rao Gupta, directrice adjointe de l'Unicef, «des progrès substantiels ont été néanmoins accomplis ces dernières années mais la tâche est loin d'être réalisée quand les taux d'infection restent élevés de façon persistante parmi les adolescents, surtout les filles».

    Sur les 2,2 millions d'adolescents qui vivaient avec le sida dans le monde en 2011, 1,3 million étaient des filles. «Ces chiffres reflètent des normes sociales largement répandues qui perpétuent l'inégalité entre les deux sexes et des coutumes nuisibles telles que le mariage forcé de très jeunes filles, la prostitution, et la violence sexuelle, accroissant la vulnérabilité des adolescentes», a déclaré la responsable de l'Unicef mercredi.

    «Besoin d'une indignation nationale»

    Le défi «est de canaliser les ressources vers des systèmes solides capables de toucher ces adolescentes qui en ont le plus besoin», estime Gaeta Rao Gupta. Aux Etats-Unis, qui accueillent la conférence internationale biennale sur le sida pour la première fois depuis 22 ans, ce sont les femmes noires qui sont les plus touchées par l'épidémie derrière les homosexuels afro-américains.

    Ainsi, nationalement, les femmes noires font face à un risque de contracter le VIH 15 fois plus élevé que les femmes blanches, selon C. Virginia Fields, présidente du National Black Leadership Commission sur le sida. «Nous avons besoin d'une indignation nationale pour réduire ces chiffres», a-t-elle lancé mercredi, faisant référence à une déclaration de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton en 2007, alors qu'elle était candidate à l'investiture démocrate pour la course à la Maison Blanche.

    Mme Clinton avait alors jugé que «si le sida était la première cause de mortalité des femmes blanche de 25 à 34 ans, il y aurait une grande indignation dans ce pays».(afp/Newsnet)

    Créé: 26.07.2012, 16h53

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