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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 18:07

Dans une conférence donnée le 21 septembre dernier à l’Université nationale autonome du Mexique (Mexico), Noam Chomsky s’attaque au mythe Obama et à la politique étrangère états-unienne( * ) . L'espace réservé à cette chronique ne permet d'en donner que les grandes lignes. Rappelant certains fondamentaux en matière de politique étrangère, il propose de garder à l’esprit deux premiers :
- primo, la maxime de Thucydide : les forts agissent tel qu’ils le veulent, et les faibles souffrent tel qu’ils le doivent ;
- secundo, le principe énoncé par Adam Smith : les «architectes principaux» de la politique anglaise étaient les marchands et les fabricants, lesquels s’assuraient que leurs intérêts personnels étaient bien servis par la politique, quelles qu’en soient les conséquences néfastes sur les autres (y compris sur le peuple anglais).
Le premier principe a pour corollaire immédiat, peu reluisant pour les hommes de l’esprit, que les Etats puissants s’appuient sur des spécialistes de l’apologie, plus couramment appelés «intellectuels», qui remplissent, «avec habilité et bonne conscience, quelle que soit l’incongruité de leurs déclarations», la tâche de démontrer que «les actions des forts sont nobles et justes et que si les faibles souffrent, c’est de leur faute». Au chapitre du second principe, Noam Chomsky estime que la «maxime de l’histoire» revient à Adam Smith qui est «l’une des rares figures de son temps à s’éloigner de la pratique consistant à décrire l’Angleterre comme un pouvoir angélique unique dans l’histoire mondiale et se consacrant avec altruisme au bien-être des barbares». John Stuart Mill, «l’un des intellectuels occidentaux les plus intelligents et respectés », avait, pour sa part, énoncé la «norme culturelle » : il militait pour que l’Angleterre poursuive sa conquête de l’Inde à de pures fins humanitaires, au moment où elle y commettait «ses pires atrocités ». Qu’est-ce qui a changé depuis Thucydide, Adam Smith ou John Stuart Mill ? La réponse à cette question tient à une formule : «Théorie d’investissement des politiques ». Elaborée par l’économiste politique Thomas Ferguson, elle soutient que «les élections sont des occasions pour des groupes d’investisseurs de s’allier afin de contrôler l’Etat, fondamentalement en achetant les élections». Ferguson y voit même un moyen idéal de projection dans l’avenir. «Aux Etats-Unis, ce sont les concentrations de capital privé qui approuvent les candidats, et pour ceux qui passent ce filtre, les résultats sont quasi déterminés par les sommes dépensées pendant la campagne.» Quant aux deux partis en lice, ils «devraient être considérés comme des factions concurrentes du parti unique des affaires». Et ce dernier est fondamentalement celui d’un monde des affaires et de la politique régulièrement «hostile aux marchés et à la démocratie, sauf en cas d’avantages temporaires ». Il reste toutefois à trouver le meilleur moyen pour acheter des élections. C’est la mission dévolue à l’industrie des relations publiques qui s’est développée il y a un siècle de cela dans les pays les plus libres, l’Angleterre et les Etats- Unis, «là où les luttes populaires avaient arraché assez de liberté pour que le public ne puisse facilement être contrôlé par la force», précise Chomsky. En 2008, le prix décerné par l’industrie publicitaire pour la meilleure campagne marketing a été remporté par Obama… devant Apple. Les cadres politiques étaient euphoriques : «C’était leur plus grand succès depuis qu’ils avaient commencé à vendre des candidats comme ils le font pour du dentifrice et des médicaments branchés.» Dits par Noam Chomsky, ces rappels prennent du sens. Abordant le «moment unipolaire», sujet d’un grand nombre de discussions universitaires et populaires depuis l’effondrement de l’Union soviétique il y a 20 ans, il fixe la façon dont Washington a réagi à la disparition de son ennemi mondial. Quelques semaines après la chute du mur de Berlin, les Etats-Unis ont envahi le Panama. Un premier prétexte fut immédiatement donné à cette agression : la menace des narcotrafiquants hispaniques et la «guerre contre la drogue», pourtant longtemps auparavant initiée par Nixon pour détourner l’attention d’une opinion publique hostile à la guerre du Vietnam. Cela était néanmoins insuffisant à construire une idéologie de l’hyper-puissance . L’Administration de Bush-père exposa le nouveau cap de Washington : «En bref, tout restera comme avant, mais sous de nouveaux prétextes.» Soudainement, la menace soviétique est remplacée par «des puissances du tiers-monde » dont la nocivité justifierait une base industrielle de haute technologie de défense soutenue par l’Etat. De même, que la nouvelle hyper-puissance devait maintenir des forces d’intervention pour les régions du Moyen- Orient riches en énergie. Il restait à trouver un nouvel habillage à cet hégémonisme. Les élites intellectuelles annoncèrent une «révolution normative» qui accordait aux Etats-Unis le droit d’«intervention humanitaire» ou le concept, plus affiné, de la «responsabilité de protection». Une responsabilité exercée de «manière extrêmement sélective». A-t-on besoin de conserver toute l’armada nucléaire du passé pour si peu d’ennemis ? Bush père avait promis que l’Otan deviendrait une organisation plus politique. Clinton a élargi l’Otan à l’Est, Bush junior a surenchéri et Obama a, apparemment, l’intention de poursuivre cette expansion. Alors qu’Obama entrait en fonction, Condoleezza Rice prédit qu’il suivrait les politiques du second mandat de Bush, et c’est en gros ce qui s’est passé, «hormis un style rhétorique différent qui semble avoir charmé beaucoup de monde, peut-être grâce au soulagement dû au départ de Bush». Lors d’une conférence de l’Otan, le secrétaire général, Jaap de Hoop Scheffer, indiquait que les troupes de l’Otan doivent surveiller les oléoducs de gaz et de pétrole à destination de l’Occident» et, plus globalement, protéger les routes maritimes empruntées par les tankers et les autres «infrastructures cruciales» du système énergétique. Au cœur des sources d’approvisionnement, l’existence de l’Iran fait fausse note — d’autant qu’elle ambitionne, elle aussi, de déroger à la nouvelle «révolution normative». La réponse fut un réajustement des systèmes antimissiles US d’interception en Europe de l’Est, dont l’objectif est d’«empêcher toute représailles en cas d’attaques américaine ou israélienne sur l’Iran, c’est-à-dire éliminer toute dissuasion iranienne ». Drôle de monde que celui que nous réserve donc la «révolution normative » d’essence néolibérale. Là encore, rien n’a changé depuis la dernière présidentielle américaine. Bush et ses sbires traitent le monde et les autres Etats comme leurs «lieutenants » : «Ainsi, en annonçant l’invasion de l’Irak, ils informèrent l’ONU qu’elle pouvait suivre les ordres américains ou “ne plus avoir de raison d’être”. Une telle arrogance a bien évidemment suscité de l’hostilité. Obama a choisi une autre méthode : il reçoit les dirigeants et les peuples du monde poliment, en tant que “partenaires”, et c’est seulement en privé qu’il continue à les traiter comme des “lieutenants” ». Les résistances les plus marquantes au nouvel hégémonisme viennent d’Amérique latine où d’heureux développements se produisent : «Ces développements en Amérique latine, parfois menés par d’impressionnants mouvements populaires de masse, sont d’une grande importance. Ils suscitent bien évidemment des réactions amères de la part des élites traditionnelles, supportées par la superpuissance voisine. Les obstacles sont immenses mais s’ils sont surmontés, cela pourrait changer de façon significative le destin de l’Amérique latine et entraîner de véritables conséquences ailleurs.»
A. B.
(*) Traduction de l’ONG. 

PS: pour ceux, non littéraires ou intéressés par la linguistique contemporaine, qui ne connaissent pas NOAM CHMOSKY, il s'agit d'un linguiste éminent, une référence étudiée par les cursus universitaires "LINGUISTIQUE", auteur et philosophe politique radical de réputation internationale. Il est aujourd'hui professeur de linguistique au MIT(Massachusetts Institute of Technologie). Il est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels : De la propagande, Le profit avant l'homme,Dominer le monde au sauver la planète?

http://amms-saida.com/tahtaha/viewtopic.php?f=51&t=1040

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