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7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 22:27
Faire tout bouger pour que rien ne change
Cette interview, d’une durée de 40 minutes, réalisée au téléphone, garde cependant toute sa fraîcheur. Elle a même valeur de prophétie. Le Pr Noam Chomsky, sans doute l’intellectuel le plus influent actuellement au monde, y parle des «évènements en Tunisie et en Egypte» qui «ne sont comparables nulle part ailleurs dans le monde». Mais pas seulement. Il avance aussi un certain nombre d’analyses selon lesquels ni les Etats-Unis ni a fortiori la France et l’Europe ne verraient d’un bon œil l’avènement de véritables démocraties en Tunisie, en Egypte et dans les autres pays arabes.
Selon Chomsky, Washington, Paris et Bruxelles mettraient tout en œuvre pour récupérer les révolutions populaires en Tunisie et en Egypte et les transformer en simples révolutions de palais, au prix d’un ravalement de façade. Il s’agirait alors d’effacer les symboles trop parlants du passé et ensuite «travailler dur pour essayer de restaurer une situation à peu de choses près identique à celle qui précédait.» Autant dire, faire tout bouger pour que rien ne change.
Nous reproduisons ici, les extraits de l’entretien concernant la Tunisie et l’Egypte, qui prennent, aujourd’hui, toute leur signification. Car, loin de démentir Chomski, l’évolution de la situation dans les deux pays semble, au contraire, lui donner raison.



Une victoire partielle des forces populaires
«Ces évènements sont vraiment spectaculaires. Il y a eu, au moins en Tunisie, une victoire partielle des forces populaires, qui ont chassé le dictateur qui a tenté de réinstaller un gouvernement similaire au sien. Où cela mènera-t-il à présent ? C’est difficile à dire.
«En Égypte, il y a une démonstration de force et de courage remarquable de la part d’une partie massive de la population pour tenir la place, lutter contre la police et résister contre le pouvoir étatique et continuer à étendre les protestations. C’est vraiment impressionnant et c’est difficile de penser à des évènements semblables et comparables nulle part ailleurs dans le monde.


«Certaines personnes comparent ces évènements aux révolutions qui ont eu lieu en Europe de l’Est, mais ce n’est pas du tout la même situation. Pour commencer, il n’y a pas de Gorbatchev parmi ces pouvoirs impériaux. Par ailleurs, les USA et leurs alliés, nous ne devons pas l’oublier, gardent leurs positions habituelles: la démocratie, pour eux, est une bonne chose, mais jusqu’à un certain point. Elle est acceptable chez l’ennemi, et nous (les Américains, Ndrl) ne voulons pas aller à contre-courant. Car, la démocratie n’est bonne que si elle participe à des objectifs stratégiques et économiques. Ainsi, les opposants en Europe de l’Est ont eu un soutien puissant de la part des principaux pouvoirs dirigeants dans le monde et ils ont rencontré peu de résistance. Dans les cas tunisien et égyptien, c’est tout à fait différent. Il n’y a pas de soutien puissant, les USA et la France, dans le cas de l’Afrique du Nord plus particulièrement, tentent, sans aucun doute, de trouver une solution leur permettant de coller au scénario prévu dans ces cas là.

Soutenir le changement pour mieux restaurer l’ordre ancien!
«Nous ne devons pas oublier qu’il existe une longue série de situations où il était impossible de soutenir quelques uns des tyrans favoris et il y a une routine standard pour répondre à cette situation: vous les soutenez aussi longtemps que possible, lorsque cela devient impossible, par exemple lorsque l’armée se retourne contre le tyran, alors il faut effectuer un virage à 180°, prétendre soutenir la révolte populaire, effacer le passé – à l’évidence le passé est embarrassant – ensuite il faut travailler dur pour essayer de restaurer une situation à peu de choses près identique à celle qui précédait.
«C’est le scénario que jouent les USA, la Grande-Bretagne et la France de manière répétée au cours des dernières années avec entre autres: Marcos aux Philippines, Duvalier en Haïti, Chun en Corée du Sud, Ceausescu en Roumanie – qui était le «chéri» de l’Occident – Suharto en Indonésie. C’est tout simplement une routine. Je présume qu’actuellement c’est ce qu’ils essayent de faire avec Moubarak, il est reconnu qu’il ne peut plus être soutenu mais, en même temps ils ne veulent pas qu’un réel changement arrive.»
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Published by aminajournal.over-blog.com